L’éducation à la santé, oui mais comment ?

L’éducation pour la santé a pour but que « chacun(e) acquière tout au long de sa vie les compétences et les moyens lui permettant de promouvoir sa santé et sa qualité de vie, ainsi que celle de sa collectivité » (INPES 2001). Elle se justifie chaque fois que « d’une manière ou d’une autre, un individu est empêché de partager ou d’améliorer sa vie dans ses rapports avec l’ensemble social où il a à prendre sa place » (Fuchs 1997). Son rôle vient d’être réaffirmé par la Stratégie nationale de santé 2018-2022 où « les actions de promotion de la santé [doivent] favoriser à la fois le développement des compétences individuelles et la création d’environnements physiques, sociaux et économiques favorables à la santé. Les actions rendant les publics cibles acteurs de leur propre santé visent, […] l’appropriation des outils de prévention et d’éducation pour la santé ».

Au-delà du renforcement de l’éducation à la santé par le poids des mots, des actes sont posés, comme les travaux sur le devenir de la santé scolaire et son renforcement, sur l’éducation à la santé dans le parcours scolaire, les modifications importantes du chapitre 7 du Code de Santé Publique (portant prévention et éducation pour la santé), le développement d’un volet santé dans le plan national de vie étudiante (que l’on retrouve dans le projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants voté par l’Assemblée Nationale en décembre 2017 et transmis au Sénat). On peut y associer le projet de mise en place d’un service sanitaire des étudiants en santé, dont le contour n’est pas encore connu mais qui viserait à renforcer les capacités d’actions en éducation à la santé en recourant à l’effet pairs.

Ces positionnements institutionnels et législatifs forts doivent poser la question des crédits octroyés tant aux actions qu’aux structures mettant en œuvre l’éducation à la santé. Ils interrogent également les méthodes d’éducation à la santé. L’insistance à développer les approches basées sur des données probantes est la contrepartie de cet intérêt croissant : il s’agit de justifier du bon usage de ressources publiques soumises à forte concurrence entre les différentes demandes. Mais il faut aussi tenir compte des effets de contexte, des problèmes de transposition et d’extrapolation liés à toute généralisation d’un programme d’éducation à la santé. Il ne suffit pas de rechercher quelles sont les données probantes et leur niveau de preuve pour pouvoir les appliquer ex abrupto dans un nouveau contexte, avec de nouvelles équipes et des moyens pas toujours adéquats. Comme en recherche clinique, l’écart potentiel entre efficacité maximale théorique issue de l’expérimentation et l’effectivité des actions en pratique courante doit être pensé, analysé et anticipé. Recherches expérimentales et observationnelles ont encore de nombreux développements devant elles.

Pr Laurent Gerbaud, membre de la Société française de santé publique ; Chef du pôle de Santé publique, CHU Clermont-Ferrand ; Service de santé universitaire, Université Clermont-Auvergne & Equipe PEPRADE (périnatalité, enfance, pratiques, développement, environnement), axe TGI Institut Pascal UCA-CNRS

Dernière mise à jour le 4 septembre 2018