Interview spéciale de Christian Cottet, Directeur de l'AFM Téléthon
LE DOSSIER DU MOIS
Décembre 2019 :
Interview spéciale "Conférence européenne de santé publique"
INTERVIEW
AFM TELETHON
LE POINT DE VUE DE :
Christian COTTET
DIRECTEUR GENERAL DE L'AFM TELETHON
Dans le cadre du congrès de Marseille, le workshop «New born screening in neuromuscular diseases» initié par l’AFM téléthon et la filière neuromusculaire FILNEMUS s’est déroulé le 23 novembre dernier. Une opportunité pour faire le point sur le dépistage néonatal en France et sur les progrès réalisés et à venir concernant les pathologies neuromusculaires. Christian Cottet, Directeur général de l’AFM Téléthon, nous a accordé une courte interview à l’issue de ce workshop.
Au cours de votre intervention, vous avez évoqué le fait que la France était plutôt un mauvais élève en matière de dépistage néonatal, pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
La France a pris beaucoup de retard alors qu’elle a été pionnière. Je crois me rappeler que le premier dépistage mis en place concernait la phénylcétonurie en 1972 à l’initiative d’un groupe de pionniers, médecins de santé publique. Jusqu’à une très récente période cette question du dépistage était sous la responsabilité d’une association au sein d’un système parallèle, « à côté » du système de santé publique. Les centres de décisions étaient très fragmentés et dispersés et c’est sans doute ceci qui explique ce retard. Depuis un an, les choses ont changé, le système de dépistage néonatal s’est entièrement professionnalisé sous l’autorité de la DGS avec la mise en place, dans chacune des régions, d’un centre régional du dépistage néonatal dans un CHU, la création, au niveau national, d’un centre national du dépistage néonatal. Celui-ci est le garant méthodologique et scientifique de tous les programmes. Par ailleurs, la création d’un comité national du dépistage néonatal va réunir l’ensemble des acteurs y compris des représentants associatifs sous l’autorité du ministère de la santé et de la DGS. Depuis que cette restructuration a abouti, la HAS est saisie du projet, un certain nombre de pathologies ont été investiguées pour être intégrées au dépistage.
Aujourd’hui quelles sont les principales questions éthiques qui se posent concernant ces dépistages ?
Il n’y en a pas. Aujourd’hui, dans le monde des maladies rares, nous sommes dans un moment de rupture thérapeutique complète. Dans le cadre du workshop j’ai beaucoup parlé de la SMA (spinal muscular atrophy) une maladie pédiatrique qui touche les bébés. Les enjeux c’est qu’aujourd’hui on a des thérapeutiques qui marchent et ce, d’autant mieux qu’elles sont appliquées très tôt. Nous parlons aujourd’hui de 3 traitements, un disponible, un sous ATU (autorisation temporaire d’utilisation) et un non encore disponible. La démonstration est faite qu’en pré clinique on n’améliore pas, on sauve. On traite très tôt des bébés qui n’auraient même pas acquis la capacité de s’asseoir et qui se mettent debout, marchent. On pourrait mettre au défi un neurologue de faire la différence avec un enfant sain lorsqu’il a été traité par la thérapie génique ou un autre produit.
Il ne faut pas faire d’optimisme à outrance mais la combinaison de ces nouvelles thérapeutiques et du dépistage néonatal de cette pathologie donnent les moyens peut-être pas d’éradiquer la maladie mais de soigner tous les enfants qui auront été identifiés positifs. Il y aura encore des formes atypiques, des formes génétiques rares qui échapperont au dépistage, environ 5%, des bébés qui en l’état actuel des connaissances ne pourront être identifiés qu’au moment de l’apparition des premiers symptômes. Mais le dépistage permettra de sauver 95% des bébés concernés.
Dans ce contexte quels sont les enjeux du Téléthon 2020 ?
Prenons acte de ces progrès thérapeutiques ; en France pendant 30 ans, une seule organisation parlait de thérapie génique c’était l’AFM téléthon. De grands noms de la science affirmaient que oui la thérapie génique peut fonctionner sur certaines pathologies « faciles » comme les déficits immunitaires mais ils pensaient que sur les maladies complexes comme les maladies neuro musculaires cela ne pourrait jamais marcher.
Aujourd’hui cela marche sur la SMA et sur une autre myopathie myotubulaire. Le laboratoire Généthon a fait état de résultats cliniques aussi extra ordinaires que ceux qui concernent la SMA. Sur la myopathie de Duchêne les recherches ne sont pas aussi avancées mais les premiers résultats sont prometteurs. Tous ces résultats concernent des maladies neuro musculaires pour lesquelles les médecins n’avaient dans un premier temps que la capacité de diagnostiquer au moment de l’apparition des premiers symptômes et ensuite de prévoir des traitements à base de kiné et d’accompagnement. Aujourd’hui on est dans le monde des thérapeutiques et c’est acté. On y a été pour beaucoup.
La question du dépistage néonatal rend compte de ces avancées, de ce qui se passe aujourd’hui. Car l’enjeu est de dépister pour guérir. Si cela a été fait pour des pathologies très complexes, cela peut être fait pour d’autres. Aujourd’hui la thérapie génique concerne les maladies neuromusculaires, les maladies du sang, les maladies de la vue. Le scope est en train de s’élargir, c’est l’ère d’une nouvelle médecine qui doit être préventive. Dans ce contexte, le dépistage néo natal est primordial. Pour contribuer à un nouvel élan vers les victoires de demain, enjeu du téléthon 2020.
De grands noms de la science affirmaient que oui la thérapie génique peut fonctionner sur certaines pathologies « faciles » comme les déficits immunitaires mais ils pensaient que sur les maladies complexes comme les maladies neuro musculaires cela ne pourrait jamais marcher.
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