LE DOSSIER DU MOIS
JANVIER 2020 :
DROITS SEXUELS ET REPRODUCTIF EN EUROPE: ENTRE MENACES ET PROGRES
Pour lire le rapport dans son intégralité :
https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Etudes/2019/2019_25_droits_sexuels_reproductifs.pdf
INTERVIEW
Les droits sexuels et reproductifs enjeu de santé publique
LE POINT DE VUE DE :
Yaëlle Amsellem Mainguy
SOCIOLOGUE
CHARGEE D'ETUDES ET DE RECHERCHE, INJEP
Au travers de ce rapport, le CESE se saisit de la question des droits sexuels et de la reproduction en la repositionnant au-delà de son audience habituelle. Il révèle ainsi l’importance de ces droits pour la société civile dans son ensemble. Le rapport a le mérite d’éclairer la situation française dans le cadre de l’Europe, mettant en avant des dynamiques et des enjeux internationaux. Le fait d’avoir intégré la situation des personnes LGBT me semble aussi pertinent ; trop souvent les droits sexuels et reproductifs sont pensés selon une perspective binaire homme-femme.
Ils constituent incontestablement un enjeu de santé publique, et plus largement, un enjeu sociétal. Les droits sexuels et reproductifs sont à la base de l’égalité entre les hommes et les femmes, ils conditionnent leurs insertions dans la société, leurs entrées sur le marché du travail. Ils sont ainsi liés à de larges déterminants de santé. Envisager les problématiques de santé sexuelle et reproductive sous l’angle des droits permet de décloisonner cette question de santé publique du champ biomédical, et montrer comment elle est constitutive des rapports sociaux et de la vie en société.
Les inégalités de genre qui traversent l’ensemble de la société minent l’accès aux droits sexuels et reproductifs. Plus spécifiquement, les conceptions de la sexualité demeurent stéréotypées : on pense la sexualité des hommes sur le registre des besoins sexuels et la sexualité des femmes sur le registre de l’affectivité. De ce fait, il est difficile pour les femmes d’exprimer leurs besoins sexuels, tandis que les hommes sont supposés toujours avoir du désir : on les imagine mal prétexter une migraine ! Ces implicites restent ancrés à toutes les générations. Ils doivent être déconstruits car ils forment un verrou justifiant des positions inégalitaires. Tant que l’on fondera les relations homme-femme sur la complémentarité, on ne pourra pas les placer sur un pied d’égalité.
Oui, les jeunes n’ont pas de droits sociaux ouverts, et peuvent rencontrer des difficultés de mobilité. On leur reproche souvent de ne pas connaître leurs droits, mais dans de nombreux cas, les programmes d’éducation à la sexualité ne sont même pas réalisés. Dans le cadre de recherches sur les jeunes femmes en milieu rural, nous avons examiné des situations où les difficultés d’accès à la contraception se cumulent : le fait d’être jeune, femme, de classe populaire sur un territoire enclavé où les rendez-vous médicaux sont complexes à obtenir. Dans des espaces peu denses, du fait de l’interconnaissance empêchant l’anonymat, il est difficile pour une jeune femme d’aller à la pharmacie pour obtenir une contraception d’urgence, difficile pour un jeune homme d’acheter des préservatifs au supermarché du coin. S’ajoute l’assertion selon laquelle les jeunes vont faire n’importe quoi ; l’emprise des considérations morales sur la sexualité à l’adolescence. Pourtant, il est bien documenté que reconnaître la légitimité de la sexualité des jeunes permet que leurs relations soient plus égalitaires et mieux protégées. La problématique de l’éducation à la sexualité n’a pas toujours été bien comprise, parfois mal traitée médiatiquement, circonscrite à un débat idéologique qui empêche de réfléchir aux différents besoins selon les âges. La connaissance du corps, le respect de l’autre, la question du consentement, les normes et représentations sociales doivent être progressivement introduites à l’école.
Le mouvement #MeToo est certes très présent dans une fraction de la population. Il a permis de révéler publiquement l’amplitude de violences sexistes et sexuelles et du harcèlement sexuel dans des espaces sociaux ordinaires, notamment la famille ou le travail, y compris dans des milieux intellectuels supérieurs. Il participe à rendre plus légitime l’expression des violences subies. C’est un préalable pour faire valoir des droits, mais cela ne suffit pas : il faut des moyens supplémentaires pour former des professionnels, créer des postes, financer des actions associatives, faire des campagnes d’information et de prévention.
Le rapport du CESE rend compte de conjonctures peu favorables dans certains pays, dans une période complexe de crise économique, de replis, avec des menaces réelles sur l’accès à l’IVG. Ces exemples soulignent la nécessité de rester vigilants pour préserver des droits qui ne sont jamais définitivement acquis.
Je ne peux qu’approuver la volonté de renforcer le droit à l’IVG, de faciliter l’accès à la contraception ou de promouvoir l’éducation à la sexualité. Afin d’y parvenir, la nécessité d’investir davantage dans la prévention aurait pu être davantage mise en avant.
Les droits sexuels et reproductifs sont à la base de l’égalité entre les hommes et les femmes, ils conditionnent leurs insertions dans la société, leurs entrées sur le marché du travail. Ils sont ainsi liés à de larges déterminants de santé.
POUR ALLER PLUS LOIN
Rapport « Les filles du coin » Enquête sur les jeunes femmes en milieu rural @SFSPAsso
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