L’éducation thérapeutique du patient (ETP) est un champ d’études et de pratiques qui, depuis plus de 40 ans, prend sa place dans le système de soin de différents pays. Il n’existe pas, à proprement parler, une histoire de l’ETP, hormis quelques travaux qui éclairent des moments propices à son développement et ses rapports avec la médecine, la promotion de la santé, l’éducation pour la santé. En 1998, un rapport de l’OMS reconnaît sa pertinence dans sa contribution aux soins proposés aux personnes malades chroniques. La définition proposée est assez générale pour rassembler toutes pratiques qui visent à éclairer une personne sur son rapport à la maladie et à procéder à des choix de santé qui la concernent.
Même si le terme d’ « éducation thérapeutique » a été repris dans le rapport OMS, on parle de « self care », de « self-management » et de « patient education », dans les pays anglo-saxons. L’emploi du terme « éducation thérapeutique » est essentiellement retrouvé en France et dans une moindre mesure aux Etats-Unis, en Italie et en Suisse. Ces différences d’appellation sont importantes à connaître, en particulier lorsqu’il s’agit de mener des recherches bibliographiques où l’emploi d’un mot dans une équation de recherche est primordial. Elles doivent également conduire à interroger les pratiques éducatives qui les sous-tendent. Bien souvent, l’ETP reste assimilée, à tort, à de l’information ou du counseling. Or, si l’ETP repose sur une relation humaine, elle nécessite des dispositifs qui la favorisent. Par conséquent, son expression se révèle autant dans les pratiques interpersonnelles qui rendent capable une personne de prendre du pouvoir et d’agir que dans les organisations dédiées à son déploiement.
Au regard des éléments précédents, on peut considérer que le terme fédérateur de la plupart de ces formes d’éducation proposées est « Apprentissage ». En effet, un consensus fait jour. Il porte sur le fait qu’être soigné s’accompagne pour le patient de l’action d’apprendre à se soigner. Plusieurs facteurs sont à l’origine de ce fait. Sans les présenter tous, on peut en proposer deux d’essence différente. Le développement de la technologie médicale permet de vivre plus longtemps, en contrepartie d’un apprentissage du patient à mobiliser des compétences d’auto-soins et d’adaptation à la maladie. Il découle fort logiquement qu’aucun système de soins ne pourrait substituer le patient dans les soins qu’il est amené à se prodiguer au quotidien. Mais cet apprentissage ne reste acceptable que si une action publique est menée sur des déterminants de santé, dont on connaît l’influence sur la mise en œuvre ou non d’une compétence ou d’un comportement de santé. Ainsi, il ne serait question de culpabiliser, ni de sanctionner une personne qui ne pourrait accomplir ses soins et ce quelle qu’en soit la raison.
Le deuxième facteur est philosophique. Il se révèle dans l’idée partagée que chacun pourrait, dans le souci des autres, exprimer ses besoins de santé, prendre les décisions en santé qui lui reviennent. Cette expression d’une auto-détermination ne se décrète pas et suppose alors d’être apprise sans imposition.
En France, la loi HPST de 2010 a relayé cette reconnaissance de l’OMS. L’ETP est donc passée d’une période de militantisme à une période de déploiement selon les règles qui régissent l’administration de la santé sur le territoire national. Actuellement, l’ETP prend différentes formes à l’hôpital ou en ville, d’une relation soignant-patient en vis-à-vis, jusqu’à des programmes ou des activités d’éducation basés sur une alternance de séances individuelles ou de groupe, au sein de structures de soins ou dédiées à l’éducation thérapeutique.
La question du développement de l’ETP nécessite de s’intéresser à plusieurs aspects. Il s’agit de mieux préciser l’articulation entre l’ETP et les pratiques de soins courantes et ce, par rapport à d’autres pratiques émergentes comme celles du développement personnel (le coaching en particulier) ; de positionner cette pratique dans l’organisation des soins questionnant du même coup sa dépendance à un système encore trop cloisonné avec le milieu social et enfin, de renforcer son accessibilité au plus grand nombre au moyen de nouveaux formats d’éducation thérapeutique outre les programmes autorisés par les Agences Régionales de Santé.
Le traitement de ces aspects dépend dans une large mesure d’un travail de caractérisation de l’ETP. Actuellement, les acteurs qui animent l’ETP se réfèérent explicitement ou implicitement à de multiples théories et méthodologies. En effet, à la croisée de la médecine, des sciences de l’éducation, de la psychologie, de la philosophie et de la santé publique, l’ETP permet des analyses plurielles émanant de champs disciplinaires variés. On peut donc questionner différemment l’éducation thérapeutique, en interroger sa pertinence, ses effets, son utilité sociale selon sa discipline d’appartenance, ses références épistémologiques. Chaque contribution est une richesse, qui, en même temps, accentue la difficulté de pouvoir circonscrire l’ETP et la rendre plus intelligible. Il semble donc important de conduire des recherches permettant d’identifier les concepts structurants de l’ETP. Leur énoncé permettrait de fournir une grammaire de l’ETP donnant sens et lisibilité à ce que certains nomment une révolution silencieuse.
Rémi Gagnayre, Directeur, Laboratoire Educations et Pratiques de Santé, EA 3412, Université Paris 13, Sorbonne Paris Cité, membre de la Société française de santé publique
Vincent de Andrade, Ingénieur documentaliste, Laboratoire Educations et Pratiques de Santé, EA 3412, Université Paris 13, Sorbonne Paris Cité, membre de la Société française de santé publique
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