Cette tribune a été initialement publiée sur le site de Médiapart, le 17 juin 2020.
L'appel à signatures est toujours ouvert, aux organisations et aux individus. Rejoignez-nous ici !
Le « Ségur de la santé » oublie celles et ceux qui construisent, avec les habitant·e·s, les personnes soignées et accompagnées, les réponses de santé publique et de prévention, estiment plusieurs organisations d'acteurs de la prévention de la santé dans les territoires. Aussi la santé des Français·e·s exige-t-elle « plus qu’un Ségur ». Ils demandent de véritables « États généraux de la Santé dans chaque région pour une convergence nationale respectant la diversité de nos territoires ».
L’épidémie n’est peut-être pas derrière nous mais il y a comme un parfum de « jour d’après » dans l’air. Le 25 mai, le gouvernement a lancé un « Ségur de la Santé » avec l’ambition annoncée de « refonder » notre système de santé, par la mise en place « d’une organisation du système de santé fondée sur le territoire et intégrant hôpital, médecine de ville et médico-social ». C’est donc d’une refondation dont il est question. Cette crise douloureuse du Covid-19 aurait donc porté quelques fruits ?
Non, puisque le gouvernement restreint la réflexion actuelle sur le système de santé uniquement à la gestion de la maladie… Ainsi, et en dépit du rôle essentiel que jouent au niveau local les élu·e·s, les professionnel·le·s impliqué·e·s dans des dynamiques territoriales de santé, de démarches de santé communautaire, d’éducation pour la santé et ce avec les habitant·e·s et les personnes soignées et accompagnées, qui sont les premier·e·s concerné·e·s et les mieux placé·e·s pour identifier les problèmes et construire les réponses, aucun.e de ces expert·e·s de la promotion de la santé et de la santé des populations n’a été convié·e à participer à ce Ségur.
Nous, membres de la coalition pour la prévention et la promotion de la santé rassemblant les acteur·rice·s précité·e·s ne nous contenterons plus d’avoir raison pour l’histoire. Il y a urgence, et la crise du Covid-19 a démontré l’énormité des coûts économiques, sociaux et sanitaires de ne pas investir dans un système de santé priorisant la prévention et doté d’une réelle capacité d’action à l’échelle des communes et quartiers.
La mortalité liée au Covid-19 touche de manière plus importante les quartiers pauvres et populaires : une politique de santé centrée sur les soins ne pourra en rien réduire les inégalités sociales de santé scandaleuses qui sous-tendent ce constat. Partout dans le monde – y compris en France, le même constat est fait : les conditions de vies (conditions de ressources, de logement, d’emploi, niveau d’éducation), et les inégalités territoriales expliquent davantage cette surmortalité que ne le font les facteurs liés à l’accès et à la qualité des soins.
En France, la prévention au niveau local ne bénéficie pas de financements stables ni conséquents, ce qui entrave sérieusement le développement d’une capacité d’action et d’une expertise qui auraient été fort utiles en cette période de pandémie. Les communes et professionnel·le·s de santé et du champ social ont inventé et déployé des réponses pour ralentir la contagion et pour réduire les conséquences des mesures de confinement. Ils n’ont pas ménagé leur peine et ont usé d’une créativité sans précédent pour gérer la crise. A l’heure des bilans, la façon dont on ignore leur action est aussi intolérable que contre-productive.
Si le système hospitalier joue un rôle incontournable dans le traitement des pathologies, il est illusoire, dans les conditions actuelles de financement et de tarification, d’attendre de ce dernier qu’il joue un rôle plus important dans la prévention. Il est vrai que le système hospitalier et les soins primaires en ville ont grand besoin de réforme et de soutien. Nous rejoignons les revendications portées par les Collectifs inter urgences et inter hôpitaux ; nous avons aussi signé l’appel lancé par AVEC (AVenir des Equipes Coordonnées) Santé.
Néanmoins, la refondation du système de santé ne peut se cantonner à réformer uniquement le système de soins.
Dans sa configuration actuelle, le « Ségur de la santé » laisse dans l’ombre la capacité de notre système de santé à faire face aux défis contemporains et futurs auxquels seront confronté·e·s les professionnel·le·s et habitante.s de nos territoires. C’est pourquoi notre coalition affirme qu’une véritable refonte du système de santé doit inclure :
Ce système de santé refondé doit, en plus de traiter les maladies, agir sur les facteurs environnementaux, sociaux, économiques qui déterminent la bonne santé d’une population. Ce système doit soutenir les dynamiques de santé issues des territoires et construites avec les habitant·e·s. Il doit encourager et financer les villes et intercommunalités qui développent des politiques de santé intersectorielles fondées sur une gouvernance partagée, et reconnaître leur compétence en la matière.
Notre système de santé doit mieux s’ancrer dans la réalité des besoins des hommes, femmes, et enfants à qui il devrait conférer les ressources et conditions d’existence nécessaires pour vivre une vie longue en bonne santé quel que soit le niveau de revenu des personnes.
Les défis à venir sont multiples. Nous ne sommes qu’au début d’une vague qui prend corps dans des courants multiples et complexes.
La santé des Français.e.s exige plus qu’un Ségur : ouvrons des États généraux de la Santé dans chaque région pour une convergence nationale respectant la diversité de nos territoires !
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