L'infection par le VIH : une maladie chronique redéfinissant la collaboration entre généralistes et spécialistes. Obstacles et opportunités
Jean-Luc Belche | Thida Kang | Frédéric Ketterer | Marie-Astrid Berrewaerts | Michel Moutschen | Didier Giet
Résumé en Français
Objectif : Avec les thérapies antirétrovirales, l’infection par le virus d’immunodéficience humaine (VIH) est devenue une maladie chronique. Pour répondre aux nouveaux besoins de soins engendrés, la collaboration entre structures spécialisées et médecins généralistes est appelée à se renforcer. L’article cherche à identifier les opportunités et obstacles à cette collaboration. Méthodes : Des entretiens semi-dirigés ont été réalisés avec des patients vivant avec le VIH, des médecins généralistes de cabinets de groupe pluridisciplinaires rémunérés au forfait et des infectiologues d’une zone urbaine belge. Ils étaient centrés sur le vécu et les attentes concernant le diagnostic, le suivi et la collaboration généralistes/infectiologues. Résultats : Médecins généralistes et infectiologues aspirent, globalement, à une communication et une collaboration plus importantes. Un recouvrement de leurs champs d’action respectifs existe dans les différentes étapes du suivi. Le généraliste est parfois cantonné à l’intervention pour des problèmes bénins ou psycho-sociaux, lors de contacts non programmés et ponctuels. Les infectiologues, eux, souhaitent pouvoir se concentrer sur les problèmes liés au VIH, et que le généraliste prenne soin des autres aspects du suivi. Le patient peut représenter un frein à l’implication plus importante du généraliste, par manque de confiance en la compétence de ce dernier et crainte de stigmatisation familiale. Conclusions : L’étude souligne les difficultés et hiatus dans la prise en charge des patients VIH renvoyant à la collaboration complexe entre généralistes et infectiologues. La superposition des domaines de compétences professionnelles peut engendrer un délaissement de certains aspects de la prise en charge, préjudiciable aux patients, ainsi qu’aux généralistes et infectiologues. Les modalités concrètes du suivi partagé entre généralistes et infectiologues doivent faire l’objet d’une définition claire et concertée des tâches de chacun, en tenant compte des attentes des patients.
English abstract
Purpose: With the development of antiretroviral therapy, Human Immunodeficiency Virus (HIV) infection has become a chronic disease. In order to develop an efficient response to this new challenge, there is a need for closer collaboration between specialized units and general practitioners. This article identifies the opportunities for and the barriers to this collaboration. Methods: Semi-structured interviews were conducted with patients living with HIV, general practitioners working in multidisciplinary group practice using the capitation system and infectiologists from one Belgian urban area. Interviews focused on experiences and expectations in relation to diagnosis, follow-up and collaboration between general practitioners and infectiologists. Results: Overall, infectiologists and general practitioners aspire to improved communication and collaboration. There are overlaps between general practitioner’s and infectiologist’s field of action. The general practitioner’s intervention is sometimes restricted to common uncomplicated or psychosocial problems, in the context of unplanned and short contacts. Infectiologists prefer to focus on HIV problems, leaving general practitioners to take care of these patients’ other health problems. The patient may be an obstacle to greater involvement of general practitioners due to fear of stigmatization from his family and social circle or lack of confidence in the general practitioner’s skills. Conclusion: This research underlines the difficulties and gaps in the care of HIV patients and provides preliminary explanations for the lack of active cooperation between general practitioners and infectiologists. Overlaps between the areas of professional skills can result in uncovered aspects of care, which can have a negative impact on patients, but also on general practitioners and infectiologists. Collaboration between general practitioners and infectiologists should be based on a concerted decision, with clear allocation of tasks, taking into account the patient’s expectations.
Santé publique n°3, mai-juin 2015 | p. 373 à 381 | publié le 25 août 2015