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S’associer aux acteurs de l’accompagnement à la parentalité dans une perspective de réduction des inégalités sociales de santé : un défi à relever pour la santé publique

Résumé en Français

Les données épidémiologiques mettent en évidence des inégalités flagrantes selon les milieux sociaux et selon les ressources économiques des individus et des familles dans de nombreux domaines de la santé somatique : diabète, hypertension artérielle, naissances prématurées, obésité, etc. On sait aussi que l’espérance de vie des deux sexes suit un gradient corrélé aux catégories sociales d’appartenance et que ces inégalités se construisent dès le plus jeune âge [1-3]. Il apparaît donc légitime et urgent de s’interroger sur ce qu’il en est de la question dans le domaine du développement de l’enfant au sein de sa famille. Et ce, d’autant plus que l’accompagnement à la parentalité apparaît susceptible de contribuer à réduire les inégalités de santé, ou du moins à en limiter l’aggravation.

Soutenir les actions d’accompagnement à la parentalité dans une perspective de réduction des inégalités sociales de santé [ISS] implique de développer une réflexion et des actions communes aux acteurs du champ de la parentalité et de la santé publique. Dans cet esprit, la Société Française de Santé Publique [SFSP] a organisé un premier séminaire sur le thème de « L’accompagnement à la parentalité et des inégalités de santé ». Il est le premier d’un cycle de trois destinés à réunir autant que possible les mêmes participants dans une logique de progression d’une réflexion à la fois théorique et pratique, et fait suite à la consultation menée par la SFSP auprès des acteurs : « Accompagnement à la parentalité, petite enfance et santé, faites connaître vos actions ! ».

Définir précisément la notion d’ISS, problématiser cette notion dans le champ de la santé mentale et du développement psychique de l’enfant, décrire les nombreuses actions possibles dans la période périnatale, tels furent les thèmes des trois exposés de la matinée. L’après-midi a été consacrée à une réflexion des participants en ateliers autour de ces mêmes thèmes en référence à la réalité du terrain dans lequel chacun s’inscrit.

S’il est démontré que la très grande pauvreté est susceptible d’entraîner chez les enfants des troubles majeurs du développement, y compris du développement cérébral, il n’est par contre pas avéré que les difficultés psychiques des enfants au sein de leur famille se distribuent selon un gradient social ; certains dysfonctionnements de la parentalité, parmi les plus sévères, tel le syndrome des bébés secoués, se rencontrent avec fréquence presque équivalente quel que soit le milieu social. D’autres facteurs que les facteurs socio-économiques semblent alors jouer un rôle déclencheur de ces dysfonctionnements [4].

Il apparaît donc nécessaire de s’interroger conjointement d’une part, sur les situations individuelles qui accroissent la vulnérabilité des parents et perturbent leurs compétences parentales quel que soit leur milieu d’appartenance, et d’autre part, sur l’impact plus général du gradient social sur ces mêmes compétences parentales. Le croisement de ces deux axes doit se faire avec le souci constant d’éviter de stigmatiser les familles sur la base de leurs ressources financières, de leur origine sociale, de leur parcours éducatif ou de tout autre critère qui pourrait favoriser des jugements a priori. L’accompagnement à la parentalité doit se faire à partir d’une « présomption de compétence parentale » [5] donc en évitant tout risque de disqualification des parents.

Croiser les deux axes cités suppose ce qu’il est convenu d’appeler une universalité des interventions d’accompagnement à la parentalité, à savoir mettre à disposition de tous les mêmes moyens d’accompagnement – c’est ce que réalisent les mesures et les services destinés au dépistage et à la prévention des troubles : entretien prénatal précoce, Protection Maternelle et Infantile, médecine scolaire. Conjointement, le repérage des situations à risque (prématurité, annonce d’un handicap, dépression maternelle postnatale, deuil dans la période périnatale, rupture d’affiliation, etc.) permettrait de proportionner ces accompagnements ; une si juste ambition implique de renforcer l’offre pour les populations les plus vulnérables, sans pour autant les stigmatiser, et, par ailleurs, d’apporter à chaque famille l’aide dont elle a besoin quelle que soit sa place dans l’échelle sociale.

Malheureusement, force est de constater l’insuffisance des moyens dévolus à la prévention dans notre pays et la menace permanente qui pèse sur les services dédiés à de telles actions, complexes à mettre en œuvre et difficiles à évaluer. La restriction des dotations de ces services est un facteur d’aggravation des ISS en matière de parentalité et, par voie de conséquence en matière de santé des enfants et des adolescents. Elle induit des choix dans les actions à mener et fait souvent du gradient social un (le seul ?) des critères de définition des populations concernées ; mais nous l’avons vu, dans le champ de la parentalité, cette confusion peut être contreproductive tant du point de vue de l’éthique que de l’efficacité sur les ISS, les besoins des familles n’étant pas toujours corrélés uniquement à leur condition sociale et économique.

Un tel constat ne rend que plus urgente la réflexion proposée par la SFSP aux acteurs de terrain du champ de la santé et de la parentalité afin de les aider à contribuer à cette cause nationale : ralentir le creusement des ISS. Le premier séminaire a montré la complexité du débat, le défi que représente le travail intersectoriel pour réduire les inégalités. Il démontre si besoin était, que le travail sémantique préalable, la réflexion éthique sur les stratégies à mettre en œuvre et la définition d’un cadre commun d’action sont indispensables pour que le champ de l’accompagnement à la parentalité et celui de la promotion de la santé fassent œuvre commune.

Références

1 – Fassin D, Grandjean H, Kaminski M, Lang T, Leclerc A. Les inégalités sociales de santé. Paris, La Découverte, « Recherches », 2000 : 448 p.
2 – Moleux M, Schaetzel F, Scotton C. Les inégalités sociales de santé : Déterminants sociaux et modèles d’action, rapport IGAS. RM2011-061P, mai 2011 : 124 p.
3 – Lopez A, Moleux M, Schaetzel F, Scotton C. Les inégalités sociales de santé dans l’enfance Santé physique, santé morale, conditions de vie et développement de l’enfant, rapport IGAS. RM2011-065P, mai 2011 : 204 p.
4 – Tursz A. Prévenir la maltraitance des enfants par le renforcement du rôle des médecins et de la coordination entre secteurs professionnels. Rapport du comité de suivi du colloque national sur les violences faites aux enfants, octobre 2014 : 143 p.
5 – Jacquey-Vasquez B, Raymond M, Sitruk P. Évaluation de la politique de soutien à la parentalité, Rapport IGAS. RM2013-015P, février 2013 : 201 p.

Santé publique n°5, septembre-octobre 2016 | p. 553 à 554 | publié le 20 décembre 2016

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