Portrait de Fatoumata Hane - nouvelle rédactrice en chef ajointe de la Revue Santé Publique
PORTRAIT
INTERVIEW DE :
Fatoumata Hane
RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE DE LA REVUE SANTÉ PUBLIQUE
RESPONSABLE DE LA RUBRIQUE "AFRIQUE ET PERSPECTIVES INTERNATIONALES"
La professeure Fatoumata Hane est enseignante chercheure au département de sociologie de l’université Assane Seck de Ziguinchor, au Sénégal. Elle est socio-anthropologue, spécialiste des questions de santé, notamment en Afrique. Depuis janvier 2021, elle a pris la succession de Françoise Jabot au sein du comité de rédaction de la revue Santé Publique, en tant que rédactrice en chef adjointe, responsable de la rubrique « Afrique et perspectives internationales ».
Interview réalisée par Myriam Hamla
Vous avez réalisé de nombreuses recherches, pouvez-vous revenir sur ce riche parcours et nous expliquer ce qui vous a amené à travailler sur ces questions de santé ?
J’ai soutenu une thèse sur la tuberculose en 2017 à l’EHESS à Marseille, analysant notamment les reconfigurations professionnelles et les politiques publiques autour de cette maladie infectieuse. Ensuite à l’UMR 912, je me suis engagée sur deux contrats post doctoraux qui m'ont amenée à m'intéresser à la gouvernance sanitaire, notamment sur la prise en charge de l'infection au VIH. Cela m’a conduit à coordonner avec Fred Eboko un projet sur les mécanismes de financement à travers l’analyse comparée des instances de gouvernance de la lutte contre le sida en Afrique. J'ai continué à mener des recherches sur la santé communautaire, sur le vieillissement en Afrique dans une perspective comparative entre le Sénégal et la France. Désormais chercheuse statutaire dans une l’unité mixte internationale Environnement, santé et société, je fais partie de l'équipe Santé et transition. Au sein de ce laboratoire, nous avons mis en place, sous la direction de Yannick Jaffré, le réseau « Enfance et soin pédiatrique en Afrique de l'Ouest » (Enpedia), comportant un volet formation « Recherche action », et j'ai continué dans la recherche sur des thématiques spécifiques en santé.
La SFSP et toute l’équipe de la Rédaction se réjouissent de votre prise de fonction en tant que Rédactrice en chef adjointe. Qu’est-ce qui vous a décidée à vous investir au sein de la revue Santé Publique ?
D'abord, j'ai publié dans la revue Santé Publique, puis en tant qu'experte j'ai été amenée à évaluer un certain nombre d’article. Je me suis ensuite présentée pour faire partie du comité éditorial. Au-delà de ça, ce qui m'a surtout motivé, c'était de montrer que les clivages disciplinaires peuvent être surmontés. En réalité, lorsqu’on travaille sur les mêmes objets, les regards croisés viennent enrichir les perspectives. D'ailleurs, j'ai été beaucoup encouragée par des collègues de santé publique en Afrique. Par ailleurs, malheureusement, il y a très peu de revues spécialisées en santé publique en Afrique de l'Ouest, et c’est un enjeu important de pouvoir disposer de ces tribunes d'échange, de production, et de valorisation des publications sur l’Afrique et en Afrique.
À votre avis, quelle est la place de la revue Santé publique dans l’espace de publication francophone sur les questions de santé en Afrique ?
C'est une revue qui est très bien perçue, une revue qui est valorisante : publier dans la revue Santé publique, c'est un peu comme publier dans BMJ ! C'est vraiment une revue importante, perçue comme sérieuse et rigoureuse. De ce point de vue, cela plaide en faveur de publications dans cette revue importante dans le paysage scientifique en Afrique francophone. Souvent, nous avons des revues d'université, des revues spécialisées sur le développement, mais spécifiquement sur la santé en Afrique francophone, il y a peu d’espaces de publication qui s'inscrivent dans une perspective aussi internationale.
La rubrique « Afrique, Santé publique & Développement », animée jusque-là par Françoise Jabot, est désormais sous votre responsabilité. Elle existe depuis plus de dix ans maintenant. Pourquoi avoir créé une rubrique spécifiquement centrée sur l’Afrique et quel bilan en tirez-vous ?
Il me semblait que les travaux sur l'Afrique étaient trop peu connus à l’international, et le fait qu'il y ait ce focus sur l'Afrique francophone en lien avec des questions de développement me paraît judicieux, d'autant que cela met en valeur les formes de production qui sont faites sur des terrains africains. Certains pensent à tort que cette rubrique s'adresse uniquement aux Africains, mais en réalité il s'agit de productions à partir de travaux menés en Afrique, qui impliquent comme ailleurs de multiples collaborations internationales. Notre bilan est globalement positif, la revue étant de plus en plus connue et de plus en plus lue dans les pays d’Afrique francophone. Maintenant, l'enjeu pour moi est surtout dans la diffusion de la revue, le format papier étant parfois difficile d’accès. Ce qu'il faudrait peut-être, c'est arriver à ce que les instituts de santé publique qui s’établissent, les universités et les facultés de médecine puissent s'abonner aussi pour une plus grande visibilité. Cela permettrait une plus grande internationalisation et diversification de notre lectorat, parce que cela reste quand même une revue à laquelle accède une certaine élite qui travaille sur ces questions de santé, en particulier des universitaires. À d'autres niveaux de formation, beaucoup d'institutions intermédiaires qui forment des techniciens en santé devraient pouvoir accéder aux articles qui s’adressent aussi aux professionnels qui agissent sur le terrain.
Pensez-vous que la transition numérique qui traverse le monde l’édition scientifique favorise l’internationalisation des revues ?
Oui, effectivement, parce qu'aujourd'hui, les revues les plus citées sont celles qui sont présentes sur les plateformes numériques. La numérisation des productions scientifiques est devenue incontournable pour les revues car le monde de la recherche tend à se globaliser.
Avec le Comité éditorial, comment souhaitez-vous faire évoluer cette rubrique dans les années à venir ?
Nous avons rediscuté, avec le Comité éditorial, de la ligne éditoriale de cette rubrique, car certains de nos correspondants avaient l’impression que l'Afrique était d'une certaine manière « confinée » dans cette rubrique, ce qui n'était pas le cas, dans la mesure où des contributions portant sur l’Afrique sont publiées dans les autres rubriques. Cette discussion nous a amenés à renommer la rubrique « Afrique et perspectives internationales ». Ce que nous souhaitons faire valoir, en effet, c’est une posture internationale en francophonie, dont le centre de gravité se situe de plus en plus en Afrique du fait des évolutions démographiques. Avec ce nouvel intitulé, nous souhaitons valoriser les approches et collaborations internationales. Ensuite, ce qui va favoriser la diffusion au niveau de l'Afrique, c'est l'information autour de la revue, c’est à dire communiquer aussi sur cette rubrique et sur la revue Santé Publique de manière générale. L’ambition est de sortir aussi du monde universitaire, du monde des revues, et d’utiliser des plateformes comme twitter, pour diffuser des articles mais aussi des podcasts ou des vidéos qui pourront accompagner la parution de contenus scientifiques.