LE DOSSIER DU MOIS
Mars 2019 :
"REFORME DES MODES DE FINANCEMENT ET DE REGULATION. VERS UN MODELE DE PAIEMENT COMBINE" Ministère des Solidarités et de la Santé
Pour lire l’article dans son intégralité :
https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dicom_rapport_final_vdef_2901.pdf
INTERVIEW
Reforme des modes de financement et de régulation
LE POINT DE VUE DE :
Claude Le Pen
PR D'ECONOMIE DE LA SANTE
PARIS DAUPHINE
Claude Le Pen, vous êtes membre du conseil scientifique mobilisé pour la réalisation du rapport sur les réformes des modes de financements du système de santé. Présentez-nous ce rapport.
C’est un rapport assez conceptuel, qui propose des pistes et des principes pour transformer les modes de tarification, et nécessitera une démarche plus opérationnelle. Il concerne la tarification de toutes les activités de santé, mettant l’accent sur les tarifs hospitaliers. À ce titre, il vient bousculer la tarification à l’activité (T2A), vivement critiquée, parfois tenue pour responsable de tous les dysfonctionnements à l’hôpital. La philosophie de ce rapport est de plaider pour la diversification des modes de financement : le paiement à l’activité reste la base, mais on y adjoint d’autres formes de financement telles que des paiements liés à la qualité des soins, où prenant en considération les caractéristiques de la population soignée. Dans le contexte français, c’est révolutionnaire et cela répond à certains défauts de la T2A. Une évolution nécessaire. D’autres pays comme l’Angleterre et les États-Unis ont déjà mis en place ces modes de financement.
Les effets de la tarification fondée sur la qualité ont-ils pu être documentés ?
Oui, de nombreuses études ont montré son intérêt en termes d’amélioration de la qualité des soins. La difficulté qui demeure est de savoir comment évaluer cette qualité. Ce n’est jamais simple, une batterie d’indicateurs existe. Pour que cela fonctionne, il faut sélectionner un petit nombre d’indicateurs simples auxquels les professionnels de santé puissent adhérer.
Est-ce que les formes de paiement au suivi proposées favorisent la coordination des soins ?
Le paiement au suivi, sous forme de forfait au médecin pour la prise en charge de malades chroniques, est une option intéressante. Le paiement à l’acte est peu adapté à la prise en charge de ces pathologies. Le contenu des forfaits reste cependant à définir. Il peut s’agir de forfaits mono-professionnels, mais aussi de forfaits pluri-professionnels – lorsqu’un patient reçoit des soins de divers soignants – ce qui est beaucoup plus complexe à mettre en place.
Les modes de financement proposés permettent-ils une meilleure valorisation de la prévention ?
Ce rapport est davantage centré sur les soins curatifs, la prévention n’est pas au cœur de notre système de santé. Elle reste le parent pauvre. L’économie de la prévention est un sujet très complexe. Une part de la prévention est très médicalisée, comme les bilans de santé, mais il y a aussi de larges dimensions comme la modification des comportements de santé, qui sont difficiles à appréhender. Or, pour établir une tarification, il faut pouvoir définir des contenus tarifables.
Peut-on espérer des effets en termes de réduction des inégalités de santé ?
L’objectif de ces réformes est plutôt d’améliorer l’efficience du système de santé, la qualité et la pertinence des soins. La question des inégalités de santé n’est pas vraiment abordée. La question se pose, pourtant, de comprendre pourquoi les inégalités de santé demeurent si fortes malgré des restes à charge très faible. Il apparaît que les freins à l’accès aux soins ne sont pas qu’économiques, ils sont aussi culturels, territoriaux, affectifs… Finalement, on sait répondre aux déterminants économiques mais beaucoup moins à ces autres dimensions construisant les inégalités de santé. L’évolution des modes de tarification ne résoudra pas tout.
La mise en œuvre des propositions de ce rapport vous semble-t-elle faisable ?
Elle sera complexe, car ces propositions introduisent de l’horizontalité et de la coopération interdisciplinaire, alors que le financement était jusqu’alors organisé par lignes verticales. L’opérationnalisation dépendra des décisions politiques, mais ces propositions seront vraisemblablement prises en compte dans le Projet de loi de financement de la sécurité sociale (Plfss 2020). Avec la Loi de Santé, le rapport Aubert amorce un changement de fond dans les stratégies de santé.
La mise en œuvre sera complexe, car ces propositions introduisent de l’horizontalité et de la coopération interdisciplinaire.
POUR ALLER PLUS LOIN
Institut Montaigne : https://www.institutmontaigne.org/experts/claude-le-pen
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