LE DOSSIER DU MOIS
JUILLET-AOÛT 2019 :
« EVALUATION DES RISQUES SANITAIRES ET ENVIRONNEMENTAUX PAR LES AGENCES: TROUVER LE CHEMIN DE LA CONFIANCE », Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques
Pour lire l’article dans son intégralité :
http://www.senat.fr/rap/r18-477/r18-4771.pdf
INTERVIEW
L'évaluation des risques sanitaires et environnementaux

LE POINT DE VUE DE :
Elisabeth Gnansia
PRESIDENTE DE LA SOCIETE FRANCOPHONE DE SANTE ET ENVIRONNEMENT (SFSE)
Association membre de la SFSP
Présentez-nous ce rapport sur l’évaluation des risques sanitaires et environnementaux.
C’est un rapport épais, dense, qui constitue un énorme travail. Alors que la problématique de la « confiance » est une question de société très actuelle, il relève d’une initiative courageuse de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, avec, en trame de fond, l’affaire du glyphosate. Dans un souci d’objectivation, il examine le sujet de l’évaluation des risques sanitaires sous toutes ses facettes. La somme d’informations cumulées et l’effort de synthèse sont impressionnants. Le rapport se structure autour de trois chapitres : le premier plante le décor en décrivant l’évolution du cadre institutionnel et réglementaire ; le second analyse les limites de l’expertise des risques aux niveaux français et européen ; et le troisième propose un nouveau modèle d’évaluation des risques à construire entre les différentes parties prenantes.
Est-ce qu’il apporte des éléments nouveaux ?
Son mérite est plutôt d’être parvenu à rassembler des éléments divers, grâce à de très nombreuses auditions. Chacun peut y trouver les informations qu’il recherche, présentées de manière fiable et raisonnable. En ce sens, ce rapport contribue à « trouver les voies de la confiance », terme de son intitulé.
Avez-vous néanmoins quelques critiques ?
Je n’ai relevé aucune inexactitude ou erreur dans ce rapport, mais j’attirerais l’attention sur deux aspects éludés par les auteurs. Je suis Présidente de la Société Francophone de Santé et Environnement, et je préside aussi le conseil scientifique du registre des malformations en Rhône Alpes (REMERA). À ce titre, je regrette que la question de la vigilance soit abordée sans mention du rôle des registres. Outils de base de la surveillance et de l’alerte, les registres sont souvent méconnus, et ils sont les parents pauvres de l’évaluation des risques sanitaires. Cet oubli me semble significatif d’une certaine confusion entre épidémiologie et surveillance. Les études épidémiologiques, mentionnées dans de chapitre « surveillance de l’état sanitaire des populations », servent à l’évaluation d’un risque, mais ne sont en aucun cas un outil de surveillance. Par ailleurs — c’est peut-être plus marginal par rapport au sujet — il est dommage que le rapport n’évoque pas, dans le chapitre consacré aux nouvelles méthodes d’évaluation, la méthode dite d’Évaluation d’impact sur la santé (EIS), qui vise à appréhender la santé et le bien-être à l’échelle urbaine, additionnant les risques mais aussi les effets positifs des politiques de la ville.
Êtes-vous en accord avec l’analyse des limites des évaluations des risques présentée ?
Le rapport aborde la problématique des conflits d’intérêt dans l’expertise des risques sanitaires. La question est complexe, et les agences rencontrent souvent des difficultés à mobiliser des experts. À mon avis, trop de personnes sont écartées pour des raisons de liens et conflits d’intérêt. Cela revient à se priver des meilleurs experts, et il serait préférable de jouer sur la transparence et l’affichage des conflits d’intérêt. Par ailleurs, on peut s’interroger sur les mécanismes de prise de décision politique. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) fait l’objet de très nombreuses saisines auxquelles répondent des rapports pertinents. Mais que deviennent ces données ? Je serais curieuse de connaître la proportion des avis rendus qui aboutissent à des décisions politiques. Il serait intéressant de mener spécifiquement une évaluation des politiques publiques qui documenterait la prise en compte des rapports de saisines.
Que pensez-vous des recommandations formulées en conclusion de ce rapport ?
Ces recommandations sont claires et synthétiques. Comme elles le soulignent, il faut davantage communiquer sur les risques sanitaires, en présentant les éléments de manière transparente et objective. Plutôt que communiquer de manière « positive », édulcorée ou rassurante, il est préférable de considérer les Français comme des adultes, et de les responsabiliser en mettant à leur disposition des informations claires et accessibles. C’est, il me semble, la meilleure manière de rétablir la confiance.
L’Anses fait l’objet de très nombreuses saisines auxquelles répondent des rapports pertinents. Mais que deviennent ces données ? Je serais curieuse de connaître la proportion des avis rendus qui aboutissent à des décisions politiques !
POUR ALLER PLUS LOIN
Société Francophone de Santé et Environnement : http://www.sfse.org/
Registre de malformations en Rhône-Alpes : https://www.remera.fr/
Revue Environnement, Risques et Santé : https://www.jle.com/fr/revues/ers/revue.phtml
@SFSPAsso
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