Semaine européenne de la santé publique (EUPHW)
LE DOSSIER DU MOIS
MAI 2022 :
Présentation de l'European Public Health Association et focus sur la Semaine européenne de la santé publique
INTERVIEW
European Public Health Week 2022

LE POINT DE VUE DE :
Dineke Zeegers Paget
Bonjour Madame Zeegers, vous êtes la Directrice Exécutive de l’European Public Health Association (EUPHA). Pouvez-vous nous présenter vos missions et l’association en quelques mots ?
L’association européenne de santé publique a été fondée en 1992 par 12 pays, dont la France. C’est une association qui a pour objectif de rassembler et fédérer des structures nationales de santé publique sur le plan européen. Nous cherchons à aider nos membres à améliorer la santé en Europe, et pour cela, l’EUPHA se base sur la stratégie dite du triple A « Analysis, Advocacy, Action ».
Le premier point - l’axe d’analyse – vise à fournir une base solide pour l'élaboration de politiques fondées sur des données probantes et exploitables et des actions efficaces. L’objectif en quelques mots est de vulgariser ou, du moins, de faciliter la compréhension des concepts scientifiques qui ont trait à la santé publique par les responsables politiques afin de les accompagner dans l’élaboration de politiques publiques efficaces.
Notre activité de plaidoyer - le point Advocacy – est une des plus cruciales mais aussi des plus difficiles à mettre en place sur le terrain. Nous avons désormais un bureau à Bruxelles qui nous permet d’être au cœur de cette activité, au sein duquel travaille une super Policy Officer, française d’ailleurs ! C’est un énorme atout pour nous.
Le dernier axe concerne plutôt nos moyens d’actions et d’agir – et ce, en bonne intelligence avec les pays européens. Sur cette dernière activité, nous sommes très régulièrement amenés à travailler avec les associations nationales. C’est donc à travers nos membres et partenaires que nous soutenons la santé publique et les professionnels de la santé « sur le terrain ».
En quoi les organisations nationales participent plus à ce 3ème volet d’Action ?
Parce que selon nous, les actions doivent être menées pour et avec le grand public et, pour nous qui sommes à un niveau européen, eh bien c’est très difficile d’agir sans l’aide des associations nationales. Un bon exemple d’action initiée par l’EUPHA et appliquée sur le terrain est l’European Public Health Week, mais nous aurons l’occasion d’y revenir.
De manière quotidienne, comment fonctionne l’association et ses groupes de travail ?
Une partie de l’association se charge de la partie stratégique et de gouvernance, elle est constituée de membres représentatifs et est notamment responsable du développement des axes de travail : il s’agit du Governing Board, le Conseil d’administration de EUPHA, qui se réunit une fois par an, juste avant la conférence européenne de santé publique.
Issu de ce Conseil d’administration, un Executive Council est chargé de faire fonctionner l’association. Ce conseil exécutif est composé d’un président élu, d’un vice-président, d’un trésorier et d’un secrétaire. Les membres du conseil exécutif travaillent surtout avec le Secrétariat exécutif, qui se situe à Utrecht, aux Pays-Bas.
Le dernier organe exécutif est l’office (Secrétariat exécutif), dont je fais partie. Nous travaillons de manière quotidienne sur les axes de travail et missions spécifiques tracés par le Conseil d’administration.
En plus de cela, EUPHA réunit des groupes de travail. La santé publique est un domaine tellement vaste qu’il nécessite plusieurs groupes d’experts pour pouvoir traiter le maximum de sujets possibles. Les sujets qui, selon nous, nécessitent un peu plus d’attention donnent lieu à des groupes de travail. Chaque membre de EUPHA ou d’une association nationale peut intégrer ces groupes de travail. Les membres élisent ensuite des experts pour diriger et coordonner la section. Il y a des sujets de travail comme la santé des enfants et des adolescents, la promotion de la santé, l’éthique dans la santé publique, droits et santé publique, santé et environnement, etc. Donc c’est très large. En tout, EUPHA comprend 26 sections de travail différentes.
Qui peut intégrer ces groupes de travail ?
En principe, les sections sont ouvertes à chaque personne qui porte un intérêt pour le sujet, l’idée étant bien sûr d’encourager une approche multidisciplinaire au sein de ces sections. Pour le groupe de travail sur les maladies infectieuses par exemple, il y a tout un groupe d’experts qui ne proviennent pas de la santé publique mais qui sont plutôt des virologues, etc. C’est la même chose avec le groupe Droits et santé publique, il y a des experts de la santé publique qui aiment bien discuter des dimensions légales, mais aussi des juristes qui sont spécialisés en droit de la santé, etc. On encourage les combinaisons d’acteurs.
Il existe également une section dédiée aux jeunes professionnelles.
Effectivement, le réseau EUPHAnxt existe depuis plus de 10 ans maintenant. Le projet a débuté avec des internes du Secrétariat exécutif. Ils ont eu l’idée de créer un réseau dédié aux jeunes intéressés par la santé publique et les domaines liés à la santé. L’idée était de pouvoir développer les collaborations internationales des jeunes sur le sujet. Le réseau regroupe des étudiants et des jeunes professionnels issus d’associations nationales de santé publique.
Depuis, le réseau EUPHAnxt a mis en place plusieurs activités spécifiques et dédiées aux jeunes, notamment pendant les conférences organisées par EUPHA. Nous avons également élaboré conjointement le programme Abstract mentoring qui vise à accompagner les jeunes professionnels dans l’écriture de leurs premiers abstracts, et à les mettre en contact avec des experts qui corrigeront, reliront leurs résumés et pourront leur donner de précieux conseils. Cette activité a eu un grand succès puisque presque tous les résumés qui ont été soumis depuis ont été acceptés.
La coordinatrice de EUPHAnxt est un membre du conseil exécutif de l’EUPHA pour conserver un lien fort. L’objectif est que le réseau puissent nous apporter de nouvelles idées et leurs manières de voir les choses. Les membres du Secrétariat les accompagnent et les aident dans la gestion quotidienne du réseau.
Pouvez-vous nous parler de la conférence européenne ? Un petit mot sur l’édition qui a eu lieu en France en 2019 ?
La conférence européenne de santé publique (European Public Health Conference) est organisée par l’association depuis 1992. Depuis, le modèle a évolué d’année en année et le comité d’organisation intègre désormais d’autres partenaires comme par exemple des écoles de santé publique, l’Organisation Mondiale de la Santé, la Commission Européenne, l’European Centre for Disease prevention and Control, ou encore l’observatoire en santé publique.
La conférence est annuelle. Depuis 5 années consécutives, elle réunit en moyenne 2000 personnes par an. Marseille était vraiment une conférence incroyable, plus de 2 400 professionnels se sont mobilisés. Nous essayons au maximum d’engager une rotation en Europe, entre les pays du Sud, du Nord, de l’Ouest et de l’Est, pour l’organisation des conférences et le choix des partenaires locaux.
En 2019, c’est la Société Française de Santé Publique qui avait été choisie comme partenaire local de la conférence. Le partenaire local a toujours l’opportunité de choisir lui-même le thème de sa conférence, en fonction notamment des priorités qui sont propres à son pays. L’édition 2019 avait pour thématique « Building bridges for solidarity and public health ». Nous avons notamment abordé des thèmes en lien avec l’immigration, la santé des migrants, etc.
J’ai vraiment de très bons souvenirs de cette conférence à Marseille. La mobilisation française était incroyable et j’ai eu le plaisir de travailler avec 4 ou 500 français, experts dans leurs domaines. Habituellement, il y en a environ 100 au maximum.
Qu’en est-il des prochaines conférences prévues ?
Cette année, la conférence européenne de santé publique a lieu en Allemagne, à Berlin. C’est une construction très régionale dans ce pays. La conférence a poussé les Länder à travailler ensemble et avec nous pour l’organiser. Ça a généré un véritable mouvement de santé publique sur le plan national.
En 2023, la conférence européenne de santé publique se tiendra à Dublin en Irlande. C’était initialement prévu pour l’année passée mais à cause de la pandémie, nous avons dû nous rabattre sur une édition entièrement à distance.
Selon vous, quels sont les liens ou les collaborations possibles entre une association nationale et l’association européenne ?
Comme je l’ai dit au début, notre objectif initial est d’encourager la participation de chaque pays sur le plan européen, mais aussi d’informer nos membres. Par exemple, nous lançons régulièrement des consultations publiques, et chaque pays est appelé à prendre en main ces consultations. Nous essayons d’avoir des membres nationaux plutôt actifs au niveau européen.
Il y a 4 ans, nous avons également commencé à nouer des collaborations rapprochées avec les pays à la présidence de l’union européenne. Actuellement par exemple, il s’agit de la France. Nous essayons de travailler avec les structures nationales de chaque pays pour comprendre quelles sont leurs priorités en matière de santé publique, et aussi pour valoriser et soutenir l’association de santé publique auprès des institutions nationales.
Nos relations avec la Société Française de Santé Publique sont constantes. Notre contact rapproché était autrefois Yves Charpak, depuis le changement de Conseil d’administration, nous travaillons en étroite collaboration avec Guillaume Dedet, le Secrétaire général de la SFSP et François Berdougo, votre délégué général.
Pouvons-nous approfondir les échanges au sujet de votre activité de plaidoyer et de lobbying ?
Oui bien sûr, comme je l’ai dit, nous avons depuis peu installé un bureau à Bruxelles, notamment pour faire plus de lobbying. Je crois qu’on peut encore s’améliorer. L’activité a débuté il y a 10 ou 15 ans, et il me semble que l’on devient de plus en plus compétent et efficace dans cette mission, malgré une tâche très délicate et compliquée.
Nous essayons d’émettre de plus en plus de statements par exemple, et plus rapidement. L’équipe écrit un premier draft, qui est soumis à une petite commission dans le comité exécutif, par exemple le président, le vice-président et le secrétaire. Puis nous décidons ensemble de ce qui va être publié. Récemment par exemple, nous avons publié une déclaration à propos de la situation en Ukraine. Nous avons fait en sorte d’être très rapide pour l’écriture et la diffusion. Nous soutenons également beaucoup les groupes de travail qui souhaitent émettre des déclarations spécifiques sur leurs axes d’étude. Ils sont très actifs, c’est super.
Nous avons également mis en place une e-collection avec l’European Journal of Public Health, qui est édité sous la responsabilité scientifique de EUPHA. Il s’agit d’articles déjà publiés qui sont republiés dans une édition spéciale avec un nouvel éditorial en rapport avec les thématiques d’actualité. L’objectif est de valoriser la base scientifique des discussions sur des thèmes actuels en très peu de temps, 2 à 3 semaines.
L’EUPHA essaie d’améliorer peu à peu son activité de plaidoyer, c’est une activité très difficile je trouve, qui nécessite d’être partout et d’avoir un très bon réseau. Mais je fais toute confiance à notre Policy officer à Bruxelles pour cela.
Pour finir, que pouvez-vous nous dire à propos de la semaine européenne de la santé publique ?
Cette année, ce sera sa quatrième édition et elle se tiendra du 16 au 20 mai 2022. L’European Public Health Week a débuté parce qu’on tenait à faire quelque chose avec nos membres et les rendre visibles au niveau national et européen.
Nous cherchions un concept qui permettait de fédérer et de créer de l’émulation. En regardant ce que faisaient les autres continents, nous avons vu que l’association de santé publique américaine organisait chaque année une National Public Health Week. Donc je me suis dit que c’était le moment de faire un essai au niveau européen sur le même modèle. Ça a été un énorme succès. La première semaine, on s’était fixé un objectif de mobilisation d’une dizaine de pays et d’une trentaine d’événements. Et l’année dernière, on a recensé plus de 212 événements organisés dans 40 pays et en 19 langues. Partout en Europe les pays font des efforts, tant au niveau national qu’au niveau local, c’est très réconfortant.
Nous avons quelques bonnes surprises avec certains membres aussi. Notre supposition initiale était que les pays plus développés comme la France, les Pays-Bas ou les pays nordiques par exemple seraient très mobilisés sur le sujet. Et puis depuis le début, c’est la Bulgarie qui en fait le plus ! Ils ont inclus la semaine européenne de santé publique dans le programme de toutes les écoles de santé publique et ils font des activités toute la semaine, c’est incroyable. Un autre exemple me vient, il s’agit de l’association autrichienne de santé publique qui avaient déjà une semaine nationale de santé publique. Et bien ils ont intégré l’EUPHW, et font désormais la semaine nationale en même temps que la semaine européenne.
Quelle est le thématique de cette année ?
Cette année, la semaine européenne de santé publique agit sur la thématique « Health throughout the life course » ; la santé tout au long de la vie, depuis avant la naissance jusqu’à la mort.
Avant, nous tournions toujours autour du concept de « célébrer la santé publique » mais depuis la pandémie de Covid-19 et les problèmes en Ukraine, la notion de célébration nous paraissait déplacée et trop décalée.
Quels impacts a eu la pandémie Covid-19 sur EUPHA ?
Un énorme impact, notamment parce qu’on avait toujours des réunions en présentiel comme la conférence européenne, etc. Donc on a beaucoup travaillé par visioconférence comme tout le monde, et la conférence s’est tenue dans un format entièrement dématérialisée depuis 2 ans.
Et puis ce n’est pas la même chose, on préfère tous faire du réseautage en présentiel, pouvoir se voir, se parler et visiter les pays où se dérouleront les futures conférences.
Donc on est très content de pouvoir à nouveau se retrouver en présentiel et j’espère qu’on aura l’occasion de tous se voir à Berlin cette année !
Marseille était vraiment une conférence incroyable, plus de 2 400 professionnels se sont mobilisés.
POUR ALLER PLUS LOIN
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