Retours sur le colloque « Collectivité territoriale et Santé : le temps des compétences »
LE DOSSIER DU MOIS
JUILLET/AOUT 2023 :
Colloque « Collectivité territoriale et Santé : le temps des compétences »
Le 07 juillet 2023 s’est tenu au Sénat le colloque « Collectivité territoriale et Santé : le temps des compétences ».
A l’initiative de Bernard Jomier, Sénateur de Paris, et coorganisée par le Réseau français des Villes-Santé OMS, Elus Santé publique et territoires, l’Association des Maires d’Ile-de-France et la SFSP, la journée a rassemblé acteurs institutionnels, chercheurs, experts et élus pour réfléchir au rôle des collectivités territoriales dans la conduite des politiques de santé, et aux compétences et moyens d’action nécessaires pour ?. Pascale Echard-Bezault, Directrice de la santé publique de la ville d’Evry-Courcouronnes et Trésorière de la SFSP, a animé une des tables-rondes de la journée.
Ce dossier du mois revient, à travers le point de vue de Bernard Jomier et un compte-rendu de cette journée, sur les principaux constats et propositions qui ont émergé durant la journée, sur des enjeux qui seront également au cœur du congrès 2023 de la SFSP : comment mieux connaître pour agir, mieux gouverner et mieux coopérer en santé ?
INTERVIEW
Collectivités territoriales et santé
LE POINT DE VUE DE :
Bernard Jomier
SÉNATEUR DE PARIS
VICE-PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Vous avez été à l’initiative de l’organisation du colloque « Collectivités territoriales et santé : le temps des compétence », en partenariat avec la SFSP, le Réseau français des Villes-Santé OMS et l’association Elus, santé publique et territoires,. A quels enjeux souhaitiez-vous répondre ?
La pandémie de Covid-19 a révélé à de nombreux acteurs que les collectivités territoriales avaient un rôle à jouer en santé publique, y compris à certains acteurs ou certains élus de ces collectivités eux-mêmes. Avec la pandémie a crû la conscience qu’une épidémie n’est pas qu’un phénomène sanitaire mais un fait social total et de nature politique, qui a un impact sur l’ensemble de la société et qui appelle des réponses d’autres acteurs que seuls ceux du soin. Il n'y avait pas de culture de santé publique dans notre pays, pas à cette échelle de toute la société en tout cas, et ça a été une révélation.
Bien que préexistaient des initiatives de collectivités territoriales en matière de santé – et des débats sur leur rôle ! - la pandémie a donné à de multiples acteurs, qui représentent une pluralité de légitimités dans le monde de la santé, une fenêtre d’expression pour mettre la question des compétences sur la table. Le débat est vif, et porté par de nombreuses forces militantes, associatives, etc. avec lesquelles a été organisée cette journée. C’est ainsi que nous avons été convaincus que nous connaissons un nouveau « temps des compétences » pour les collectivités territoriales, qu’il était nécessaire d'en débattre et de proposer à notre système d'évoluer en la matière.
Le colloque avait ainsi pour objectif de proposer des évolutions en matière de compétences des acteurs publics pour une meilleure efficacité du système de santé. Avant d’aborder les propositions qui ont été faites durant la journée, quel était le diagnostic ?
Je crois que même l’Etat est conscient qu'on arrive un peu au bout de la logique : la santé, c'est le domaine régalien, donc c'est l'Etat qui organise toute la santé, point.
Garantir l’égalité des citoyens vis-à-vis du droit à la santé est un argument de poids pour justifier que l’Etat reste à la manœuvre. Mais l’Etat lui-même constate qu’il n'est plus en capacité de produire dans tous les territoires une réponse satisfaisante, même en ce qui concerne l’offre sanitaire qui est pourtant son « cœur de métier », pour ainsi dire, en matière de politique de santé. Les défaillances actuelles du système, et en particulier les difficultés rencontrées par les citoyens pour accéder à des soins de proximité, appellent à des réponses qui aujourd’hui, relèvent principalement de meilleures organisations collectives et territoriales des acteurs. Pour autant, l'Etat a aussi parfois des difficultés, même symboliquement, à abandonner des champs sur lesquels il n’a plus les moyens d’agir à la hauteur des enjeux. Je pense à la santé scolaire, par exemple, domaine dans lequel tout le monde partage le constat que notre système est très largement défaillant.
Et si on prend en compte l'intégralité du champ de la santé, ce qui inclut donc d'autres politiques publiques comme celles de l'alimentation ou de l'urbanisme, par exemple, c’est-à-dire les politiques qui permettent d’agir sur les déterminants de santé, l’Etat n’est déjà plus le seul, ni même l’acteur principal qui produit ces politiques. Les collectivités sont déjà des acteurs de santé, c’était l’objet d’une des tables rondes.
Ainsi, il y a une pluralité d’acteurs légitimes aujourd’hui sur le sujet de la santé, des acteurs légitimes dont il faut reconnaître le rôle, et les compétences qui vont avec. En même temps que reconnaitre ce rôle, il faut aussi clarifier ces compétences, parce que dans la situation actuelle – et c’est beaucoup ressorti des échanges durant la journée – on court le risque que les acteurs s’épuisent.
Pour clarifier les compétences de chacun, il a été fait proposition dans plusieurs tables-rondes de travailler un nouveau cadre entre acteurs. Comment y répondre ? Quelle forme cela peut-il prendre ?
Je pense qu'il y a des besoins d'évolution du cadre, et pour être très clair du cadre législatif, mais on surestime parfois aussi le cadre et l'impact de la loi.
Si l’on prend l'exemple des CPTS [Communautés Professionnelles Territoriales de Santé], la loi qui les instaure date de janvier 2016. La volonté du législateur était claire : soutenir l’élaboration de santé publique à l’échelle locale, par un travail en commun entre les acteurs. Et 7 ans après, leur déploiement est de fait très inégal : il y a des CPTS solidement constituées, qui fonctionnent comme prévu, et il y a des territoires qui ne sont encore pas couverts. On ne décrète pas la construction de dynamique ascendante. Ce que je veux dire, c’est qu’il ne faut pas tout attendre du cadre, mais aussi réfléchir aux questions de pouvoir.
Comment mieux coopérer, entre différents échelons territoriaux et Etat, mais aussi entre acteurs publics et acteurs de la santé, a été un enjeu abordé dans plusieurs tables rondes. Quelles nouvelles propositions peuvent-être émises ?
Je crois que les gens coopèrent quand ils y ont intérêt. C’est-à-dire quand le fait de coopérer améliore la façon dont ils exercent leurs propres missions. Pour reprendre l’exemple des CPTS, si la coopération permet de fluidifier les relations avec les autres acteurs de santé, et in fine de fluidifier les parcours de leurs patients. Ou que des dispositifs d’éducation nutritionnelle mis en place avec d’autres acteurs leur offrent un outil pour lutter contre l’obésité et où inscrire leurs patients. Mais si la coopération est vécue comme une contrainte, ou si elle ne débouche pas sur des décisions, ils n'iront pas.
La coopération doit être un lieu qui débouche sur des décisions : c’est un levier essentiel. Je reprends cet enjeu de l’épuisement des acteurs : les instances de démocratie sanitaire où on demande aux gens de coopérer mais sans dimension décisionnelle ont épuisé les acteurs. Que tout le monde se mette autour de la table, c'est très bien. Mais si c'est pour ne rien pouvoir décider in fine, à force les gens ne comprennent plus, ne participent plus, et les dispositifs s’essoufflent. Nous avons reparlé lors du colloque des CRSA { des Conférences Régionales de Santé et d’Autonomie à vérifier] durant la journée : leur pouvoir consultatif a montré ses limites pendant la crise Covid-19, on ne les a même pas consultées. Et si la coopération se montre inefficiente, cela finit par repousser les gens vers les silos dans lesquels ils travaillaient.
Vous avez rappelé en conclusion de la journée la nécessité de développer une culture de santé publique en France pour soutenir l’action publique en la matière. Comment les collectivités territoriales peuvent-elles y contribuer ?
Je crois qu'il y a beaucoup de leviers en la matière. Si on ne développe pas une culture de santé publique dans la société, au plus près des gens, on ne va pas arriver à répondre aux questions qui se posent dans notre pays.
Il s’agit aussi de développer une culture de santé publique au sein des collectivités territoriales. Là aussi, il est question de compétences, mais autrement, et de mobilisation à toutes les échelles. L’accès aux données est une question fondamentale qui y est liée. Nous avons abordé ces enjeux des conditions de l’action lors de la deuxième table-ronde : il faut avoir accès aux données utiles aux collectivités pour mener leurs politiques, il faut se pencher sur la question de la formation aux questions de santé dans les fonctions publiques territoriales, afin de garantir que toutes politiques menées intégreront une dimension santé… Il faut aussi poser la question des compétences externes auxquelles peuvent faire appel les collectivités, comme le recours à des experts pour mener des EIS [Evaluation d’Impact en Santé, ndlr] par exemple, qui sont à ce jour trop peu nombreuses. Il faut d’ailleurs aussi faire des efforts en direction des soignants, car la santé publique, ce n'est pas la culture des soignants.
La clarification des compétences est essentielle ici, car le jour où une compétence est confiée explicitement à une collectivité – même de façon partagée, celle-ci va s’organiser pour voir comment elle peut exercer cette compétence : comment avoir du personnel formé, de quelles données a-t-elle besoin, etc. Et c'est tout cela qui qui permettra d'amplifier la mobilisation en faveur de politiques de santé et d'une culture de santé publique dans notre pays.
Et quelle place donner aux dynamiques citoyennes, aux initiatives ascendantes ?
Cela a été rappelé durant la journée aussi, il y a une part d'appropriation des questions de santé par la population qui est réelle et c’est pour cela que je ne suis pas pessimiste concernant un éventuel affaiblissement ou un reflux après-Covid de ces questions.
Nous n’en n’avons pas parlé aujourd’hui, mais en termes de santé communautaire, la vitesse à laquelle les acteurs associatifs, les patients ont réagi et interpellé le gouvernement durant l’épidémie de Mpox l’été dernier, c’est aussi le signe que les choses ont bougé. La forte mobilisation communautaire qu’il y a eut, de la part d’associations et de la communauté homosexuelle, est l’héritière des « années sida », qui ont été un tournant dans notre pays. Avec le Mpox, en quelques semaines ont émergé un plaidoyer et une interpellation très forte du gouvernement, qui a été sommé de rendre des comptes sur la façon dont il agit immédiatement, sur pourquoi la vaccination était déjà en cours en Allemagne, etc. Je pense que, durant la crise COVID, au fond, la population a adhéré aux mesures de protection, pas par respect de l'autorité comme on a pu le dire, mais parce qu’elle en a compris les enjeux.
Ces questions avancent, à nous de maintenant de faire en sorte que ça aille plus vite, et que nous ne mettions pas de bâtons dans les roues de ceux qui proposent des choses – comme cela a été rappelé par plusieurs intervenants. Si on soutient aussi toutes les démarches d’auto-organisation ou d'initiative citoyenne, cela peut être autant de sentiers qui commencent à être creusés en France et offrent des perspectives riches en matière de démarches ascendantes. Il faut que le cadre auquel on travaille et que les compétences données aux collectivités soit un cadre qui permette non pas de satisfaire des élus mais de répondre collectivement aux questions de santé publique.
Une synthèse sera publiée à l’issue du colloque, pour acter les pistes qui auront émergé. Quelles propositions d’évolutions législatives retenez-vous d’ores-et-déjà ?
On doit avancer sur la reconnaissance du rôle et des compétences des collectivités. Je ne sais pas s'il faut une grande loi Santé ou s'il faut des petites avancées successives, mais nous devons avancer sur le fait qu’une conception uniquement verticale descendante de la santé n'est plus opérante.
Il faut tenir compte aussi des résistances de l’Etat ou des collectivités vis-à-vis des évolutions qui existent, c’est indéniable. Concernant la santé scolaire, que j’ai évoquée en début d’entretien, c’est une compétence qui a failli être transférée aux départements au tout début de l’année 2022, dans la loi dite « 3DS » [Loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, ndlr]. C’est l’effet du contexte actuel qui pèse sur les finances des collectivités qui a conduit ces dernières à craindre d’être en très grande difficulté à assumer la compétence. Pourtant, à condition de mettre en place un mécanisme de péréquation pour s'assurer d'une égalité entre départements, il y avait quand même un relatif consensus sur le fait que la compétence serait mieux exercée au niveau départemental.
Cela fait partie des propositions que je retiendrai :
- des compétences pourraient être confiées aux départements en matière de santé scolaire, mais également sur les questions de santé sexuelle – à partir de la compétence exercée en PMI par les départements. Plus largement, en s’appuyant sur les compétences médico-sociales qu’ils exercent déjà, les département pourraient être mieux reconnus dans un rôle de chef de file dans différents champs de la prévention, pour des démarches d’aller-vers ou de médiation en santé, etc.
- En ce qui concerne les régions, nous pouvons aller un peu plus loin dans le rôle qui leur est confié en termes de santé environnementale. Nous avons voté dans la loi la double présidence des agences régionales de santé par l'Etat et le Président de Région, mais l'exécutif ne prend pas le texte d'application malgré les demandes répétées du président du Sénat. Il ne s'agit pas de d’exclure l'Etat du pilotage mais de symboliser le fait que l'Agence régionale de santé n'est pas que l'exécution descendante de la politique de l'Etat
- Je pense surtout que des évolutions législatives sont nécessaires sur le plan des responsabilités des communes et communautés de communes, c’est-à-dire du bloc communal. Parce qu’elles sont en proximité avec les habitants, parce que leurs élus sont les premiers à être interpellés sur les questions d’offre de soins, parce que des outils comme les contrats locaux de santé sont plébiscités, elles sont le bon échelon politique de responsabilité de l’organisation de l’accès aux soins primaires.
Enfin, si toutes ces propositions visent à faire reconnaitre le travail accompli par les collectivités territoriales, dans un souci d’efficience, il faut aussi poser la question de comment on travaille au niveau national. J’ai proposé de faire délibérer le parlement sur des objectifs de santé publique, et pas seulement sur le budget. Il faut revoir la méthode de construction de l’ONDAM et la façon dont, dans notre pays, on adopte le budget de la santé, c’est-à-dire sans délibération de fond, alors que les parlements ont à peine 10 jours pour prendre connaissance d’un document préparé par Bercy, sans toujours beaucoup de concertation préalable. Si l’on renversait la logique et débutait un débat sur les objectifs de la politique nationale de santé dans les territoires, en mettant en place, par exemple, un dispositif qui démarrait au mois de mars ou avril au niveau des conseils territoriaux et départementaux de santé, il serait possible d'identifier les priorités de santé dans une dynamique de construction ascendante et des priorités de santé publique et du budget pour y répondre.
COMPTE-RENDU
Les collectivités territoriales sont d’ores-et-déjà des acteurs de santé. Partant de ce postulat, les trois tables rondes organisées durant la journée ont permis de dresser un état des lieux des enjeux auxquels font face les collectivités et des pistes pour leur permettre de mieux y répondre.
En introduction, Daniel Benamouzig, politiste et titulaire de la Chaire Santé de Sciences Po, a rappelé que nous nous trouvons à un moment charnière de redéfinition des équilibres, après une longue phase de centralisation par l’Etat des politiques de santé (1870 – 2000), qui n’était peut-être qu’une parenthèse. Dans un système de santé subissant de fortes tensions (financières, en pénurie de professionnels de santé et face à la crise environnementale), plusieurs glissements s’opèrent : du fait d’une politique de l’offre de soins qui évolue vers le développement de la santé dans toutes les politiques, du fait d’un mouvement de politisation des politiques de santé, du fait de nouvelles formes de démocratie, non plus paritaires mais territoriales. L’organisation des acteurs dans le champ de la santé passe par de nombreux espaces intermédiaires se constituent à la fois dans des logiques ascendantes (par les professionnels du soin qui mettent en place des organisations collectives, ou par les habitants qui portent des initiatives communautaires) et descendantes (par les institutions qui mettent en place des mailles pour déployer leurs politiques, différencier leur déploiement etc.).
Nombreux sont les intervenants qui, tout au long de ce colloque, ont souligné que l’épidémie de Covid-19 a permis une appropriation des questions de santé, par les populations comme par les élus, qui ne réduisent pas au soin, ni aux politiques sanitaires sectorielles et qui nécessitent de travailler en transversalité de toutes les politiques. Emmanuelle Gangloff et Hélène Morteau (Agence Bien Urbaines, coautrices de La ville à l’épreuve de la crise sanitaire ») ont également rappelé que la crise Covid-19 a été un accélérateur de transitions préexistantes, et qu’elle a démontré les capacités d’alliance entre les acteurs ainsi que d’auto-organisation des habitants. Yannick Nadesan, Maire-adjoint à la Santé de la ville de Rennes et Président du Réseau français des Villes Santé OMS, a rappelé que les villes ont été des acteurs incontournables sur le plan logistique pendant le Covid-19, mais qu’elles peinent encore à voir leur légitimité reconnue. Deux messages sont au cœur de son plaidoyer : que des moyens pérennes, à la hauteur des enjeux dans un contexte inflationniste, soient alloués aux villes et que la gouvernance soit réellement partagée afin que les villes "ne soient plus seulement considérées comme des opérateurs » des politiques décidées par l’Etat. Toutefois, malgré ce consensus, les collectivités restent parfois absentes de certaines propositions de refonte du système de santé récentes comme l’a souligné Laurent Chambaud, ancien directeur de l’EHESP, ce qui doit inciter à la vigilance.
A quels enjeux les collectivités doivent-elles faire face ? D’abord, celui de l’offre de santé. Les systèmes d’acteurs à l’échelle locale sont complexes, comme l’ont rappelé Marie-Hélène Courtin (Fédération nationale des CPTS) et Youen Carpe (Fédération nationale des établissements de santé de proximité). Plusieurs acteurs se partagent les missions de répondre aux besoins de santé en proximité : alors, comment articuler des acteurs qui ont les mêmes missions ? Les contrats locaux de santé sont un outil pertinent, à condition de s’en saisir vraiment et de ne pas les réduire à une déclinaison locale des plans régionaux de santé, comme l’a soulevé Gilbert Hangard (Maire-adjoint à la Santé de la ville d’Albi et Président d’Elus, santé publique et territoires). Julie Chastang (Union syndicale des centres de santé) a également pointé les limites du modèle d’exercice actuel des professionnels libéraux pour remplir des missions de santé publique à hauteur des besoins, et développé un plaidoyer pour un service public de santé de proximité. Les enjeux financiers qui concernent le système de santé aujourd’hui ont également été rappelés : financiarisation du système, limites et fragilités du mode de financement par appel à projet, difficultés sur le volet investissement, etc. Sur toutes ces questions, les collectivités ont un rôle à jouer.
Des données à la formation, de quoi les acteurs locaux ont-ils besoin pour poursuivre leur montée en compétences dans le domaine de la santé ? Plusieurs acteurs de la seconde table-ronde ont souligné le besoin de capitaliser les expériences locales, à la fois pour permettre de reconnaître le travail déjà accompli, trop souvent méconnu, et à d’autres acteurs de s’inspirer de dynamiques locales positives, en s’appuyant sur des études de cas et des études de la transférabilité des expériences. Le travail conduit par l’APUR en Ile-de-France et présenté par Clément Boisseuil en fait partie. Il a également pointé les difficultés qui peuvent être rencontrées sur le volet « données » : difficultés d’accès aux données, manque de temps et de moyens humains dans les structures qui les produisent pour les traiter, fiabilité et qualité de ces données qui rendent plus ou moins facile leur exploitation, etc. De plus, un plaidoyer est nécessaire pour que les données, quand elles existent, et les résultats des travaux qui utilisent ces données d’utilité publique soient eux aussi rendus publics, gratuitement.
Laurent Chambaud a souligné le besoin de renforcer les espaces de formation et de réflexion pluridisciplinaires en santé publique en France, aujourd’hui trop peu nombreux. Rejoint par le député du Rhône Cyrille Isaac-Sibille, qui a souligné le besoin d’amplifier et de diffuser les possibilités de se former en santé publique, pour tous et à tous les échelons, du brevet des collèges à l’ENA. Un besoin d’acculturation, réciproque, sur les liens entre santé et territoires persiste et doit être poursuivi pour que ne retombent pas les dynamiques qui ont pris de l’ampleur durant le pic de la crise de la Covid-19.
Faut-il transférer davantage de compétences de l’Etat aux collectivités ? Pour Christophe Lannelongue (ancien directeur général de l’ARS Grand-Est), il est davantage nécessaire de créer un cadre de mutualisation des compétences, à plusieurs échelons territoriaux plutôt que dans une logique de monopole des responsabilités. Francoise Jeanson (Vice-présidente de la région Nouvelle Aquitaine) a porté plusieurs propositions de décentralisation de compétences dans le champ de la prévention et la promotion de la santé et notamment celui de la santé au travail au niveau des régions. Pour Agnès Giannotti (Syndicat MG France), l’important est de ne pas figer et stériliser les dynamiques locales en voulant imposer un cadre uniforme partout. Des initiatives d’organisation des professionnels de santé fonctionnent localement, il faut trouver un cadre qui permette de les encourager sans imposer des logiques uniformes, perçues comme « technocratiques ». Nombreux sont les intervenants durant la journée à avoir appelé de leur vœux un nouveau cadre de relation entre Etat, collectivités, professionnels et habitants, plutôt qu’un transfert de compétences. Un nouveau cadre qui permette de tenir à la fois des objectifs d’égalité et de différenciation, de clarification des compétences et d’exercice partagé des missions.
La coopération doit être un lieu qui débouche sur des décisions : c’est un levier essentiel. Je reprends cet enjeu de l’épuisement des acteurs : les instances de démocratie sanitaire où on demande aux gens de coopérer mais sans dimension décisionnelle ont épuisé les acteurs. Que tout le monde se mette autour de la table, c'est très bien. Mais si c'est pour ne rien pouvoir décider in fine, à force les gens ne comprennent plus, ne participent plus, et les dispositifs s’essoufflent.
RESSOURCES LIÉES AU COLLOQUE
Programme du colloque
https://drive.google.com/file/d/1JNJRO5McWqCPlspM_ZRS2iYNzDm7wNjG/view
APUR, 2023, Inégalités sociales et territoriales de santé dans le Grand Paris // Volet 1 : Offre de soins
APUR, 2023, Actions en santé publique : sensibilisation, promotion et prévention - Volet 2 : inégalités sociales et territoriales de santé dans le Grand Paris
Emmanuelle Gangloff, Hélène Morteau (coord.), 2022, La ville à l’épreuve de la crise sanitaire, collection « Recherche » du PUCA n°241, 168 p., 2022
https://www.urbanisme-puca.gouv.fr/la-ville-a-l-epreuve-de-la-crise-sanitaire-a2572.html
POUR ALLER PLUS LOIN
Ressources documentaires thématiques en ligne, proposées par le Réseau des Villes Santé OMS
https://padlet.com/RfVS/ressources-documentaires-th-matiques-bycd14h6dsfxynrz
Rapport d'information n° 712 (2020-2021), déposé le 24 juin 2021, de MM. Jean-Michel ARNAUD et Roger KAROUTCHI , fait au nom de la MCI Effets des mesures en matière de confinement, déposé le 24 juin 2021
https://www.senat.fr/rap/r20-712/r20-712.html
« Gérer localement la crise du Covid-19 », Revue française d'administration publique 2020/4 (N° 176)
https://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2020-4.htm
Renaudie, O. (2020). Collectivités territoriales et compétences en santé publique : sortir de l’ambiguïté ?. Revue française d'administration publique, 176, 901-912.
https://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2020-4-page-901.htm
Actualité et dossier en santé publique, mars 2013, Collectivités territoriales et santé n° 82
https://www.hcsp.fr/explore.cgi/adsp?clef=132
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Un droit de dérogation reconnu aux agences régionales de santé pour adapter les politiques de santé aux territoires et simplifier les démarches
https://pratiquesensante.odoo.com/blog/loi-11/un-droit-de-derogation-reconnu-aux-agences-regionales-de-sante-pour-adapter-les-politiques-de-sante-aux-territoires-et-simplifier-les-demarches-2290
Territoire, coordinations et coopérations en santé : une approche par les cartes mentales géographiques
https://pratiquesensante.odoo.com/blog/politiques-10/territoire-coordinations-et-cooperations-en-sante-une-approche-par-les-cartes-mentales-geographiques-2250
Plan d’action pour améliorer l’accès aux soins dans les territoires
https://sante.gouv.fr/actualites/actualites-du-ministere/article/plan-d-action-pour-ameliorer-l-acces-aux-soins-dans-les-territoires