Eléctions législatives : quelle place pour la santé publique ?
LE DOSSIER DU MOIS
JUILLET/AOUT 2024 :
Tribune « A l’aube d’élections législatives lourdes de conséquences pour la santé publique, Fédération Promotion Santé affirme son engagement éthique, humaniste et démocratique »
INTERVIEW
Éléctions législatives
LE POINT DE VUE DE :
François Baudier
PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION PROMOTION SANTÉ
Conformément à ses valeurs et ses missions, la Société Française de Santé Publique s'engage à valoriser ses membres et leurs actions. Dans le cadre de l’entre-deux-tours, elle a souhaité mettre à l’honneur le travail de plaidoyer de la Fédération Promotion Santé ; s’opposant aux approches clivantes excluant certaines parties de la population de l’accès à la solidarité nationale et portant atteinte à la dignité humaine. Cette tribune de la Fédération Promotion Santé fait également écho au communiqué de presse diffusé par la SFSP le 21 juin 2024 « Elections législatives : garantir que la solidarité continue de guider notre société ».
Pensez-vous que la santé publique ait été suffisamment abordée dans les programmes des différents partis politiques ?
A l’heure des promesses électorales, tous les partis se déclarent de fervents défenseurs de la prévention, comment pourrait-on ne pas l’être d’ailleurs, mais une fois les élections passées, les mesures tardent à venir ou sont prises de façon dispersée ne permettant pas de donner sens et cohérence aux décisions retenues. Un exemple, la stratégie nationale de santé 2023-2033, toujours pas mise en place.
Quel est, selon vous, l'impact de ces programmes électoraux sur le secteur de la santé publique en France ?
Ils devraient traduire des orientations fondatrices pour les politiques publiques. Aujourd’hui, la situation est grave. Notre Fédération a changé de nom en janvier 2024 pour s’appeler « Fédération Promotion Santé ». Ce choix prend toute sa signification dans la période que nous vivons. Cette décision repose sur un projet politique fondé sur des valeurs d’équité et de justice sociale, de solidarité, de réciprocité, de liberté de penser et d’agir. Elle s’appuie sur une confiance en l'humain. Nous venons de le rappeler dans une tribune. Or certains programmes électoraux, s’ils étaient mis en œuvre demain, seraient incompatibles avec les valeurs portées par la santé publique et la promotion de la santé.
En tant que professionnel de la santé publique et en relation avec plusieurs, quelles sont vos principales préoccupations personnelles, ou celles de ceux que vous côtoyez par rapport aux résultats de ces élections ?
Notre crainte est la stigmatisation et l’abandon des personnes précarisées, marginalisées, incarcérées, des personnes sans domicile fixe, réfugiées, exilées ou sans papier. Face à ce risque réel, il nous faut résister et agir de façon solidaire.
Quelles réformes en matière de santé publique aimeriez-vous voir mises en œuvre par le prochain gouvernement ?
D’abord, conduire une politique prenant en compte les principaux déterminants de la santé dont la majorité d’entre eux n’est pas liée au système de soin. Cette politique doit être intersectorielle et donc interministérielle. C’est une composante essentielle des stratégies de promotion de la santé. Il est donc indispensable de réactiver au niveau national, le Comité interministériel pour la santé qui ne s’est pas réuni depuis mars 2019 et dans les régions, les Commissions de coordination des politiques publiques de santé qui n’ont pas trouvé leur place depuis la création des ARS. Parler de « santé dans toutes les politiques » ne doit pas rester un slogan. C’est particulièrement vrai pour agir sur la santé-environnement, un sujet incontournable et urgent à prendre en compte.
Notre Fédération est partie prenante de la dynamique impulsée au niveau national par le Réseau Action Climat pour l’élaboration de la Stratégie nationale alimentation nutrition climat (Snanc) et de la préparation du Programme national nutrition santé (PNNS) dans sa 5ème version. En région, l’engagement se fait principalement dans le cadre des Plans régionaux santé environnement.
Comment les acteurs de la santé publique peuvent-ils envisager de contribuer aux discussions et aux réformes post-électorales ?
Les acteurs de la santé publique, ce sont vous, moi, mais aussi chaque citoyen de ce pays. Nous sommes attachés à la participation de tous, dans les territoires de proximité, les quartiers, les écoles, les entreprises… Nous pensons que les Contrats locaux de santé sont par exemple des outils très importants pour favoriser cette participation citoyenne, au plus près des besoins de la population.
La mobilisation des collectivités territoriales est essentielle aux dynamiques intersectorielles associant les questions liées au logement, au développement économique, à l’éducation, à l’urbanisme… C’est aussi un levier clef pour lutter contre les inégalités sociales de santé, qui s’aggravent dans notre pays, toutes les enquêtes le montrent de façon répétée.
Notre Fédération est plus attachée à la « science des solutions » (renforcer le pouvoir d’agir) qu’à celle des problèmes (répéter les enquêtes épidémiologiques montrant régulièrement le poids du statut social sur la santé). Dans ce but, nous développons la démarche de capitalisation des expériences (avec la SFSP), mais aussi les recherches interventionnelles en promotion de la santé, insuffisamment soutenues. Notons qu’à la différence du soin, du médico-social et du social, le secteur de la promotion de la santé et de la prévention ne bénéficie d’aucun budget pérenne, même pour des missions socles, apparentées à un service public, comme le conseil méthodologique, la documentation ou l’appui à la coordination, activités exercées sur tout le territoire par notre réseau « Promotion Santé ». Nous demandons donc l’adoption d’une loi qui lui assurera chaque année un budget significatif à travers un fonds spécifique. Le temps de l’action politique, c’est aussi le temps du plaidoyer en faveur de la promotion de la santé, thème de nos prochaines Assises. Elles se dérouleront le 14 novembre 2024 et vous êtes tous invités pour venir échanger avec nous sur ce sujet à l’actualité brûlante.
Conduire une politique prenant en compte les principaux déterminants de la santé dont la majorité d’entre eux n’est pas liée au système de soin. Cette politique doit être intersectorielle et donc interministérielle.
POUR ALLER PLUS LOIN
Communiqué de la Société Française de Santé Publique « Elections législatives : garantir que la solidarité continue de guider notre société »