Le Premier ministre a présenté la stratégie nationale de sortie du confinement. Dans son dernier avis, le Conseil scientifique formulait ainsi le scénario qu’il retenait : « La poursuite de la stratégie avec une levée progressive, prudente et monitorée du confinement et adaptation des mesures en fonction des résultats épidémiologiques. » Il proposait de l’articuler autour de mesures très classiques en matière de lutte contre les maladies infectieuses en l’absence de vaccin ou de traitement : dépistage, recherche des contacts et isolement des personnes porteuses du virus.
Nous accueillons avec satisfaction l’affirmation que la sortie progressive du confinement n’interviendra le 11 mai que si certains des six prérequis formulés par le Conseil scientifique sont remplis afin que les « mesures phares » recommandées soient opérationnelles. Nous constatons que manquent l’enjeu de la gouvernance et celui de la disponibilité des équipements de protection.
A la suite de l’intervention du Premier ministre, nous soulignons six points de vigilance :
- Nous mettons en garde contre l’atteinte aux libertés fondamentales que pourraient représenter certaines mesures, notamment de « traçage » des personnes. Leur nécessité doit être évaluée, de même que leur proportionnalité aux risques de santé qu’il s’agit de combattre. Leur mise en œuvre doit être encadrée et surveillée à travers un dispositif impliquant les institutions et instances compétentes (juges des libertés, Défenseur des droits, CNCDH…).
- Nous alertons sur l’illusion de solutions fondées sur le « tout technologique », qui ne seraient pas accompagnées de dispositifs humains, en amont et en aval du dépistage des personnes séropositives et de la recherche de leurs contacts. La nécessité de prendre en compte les inégalités sociales de santé dans la réponse à l’épidémie appelle d’autres dispositifs que des outils connectés.
- Nous sommes convaincus qu’une stratégie de santé publique ne peut être exclusivement fondée sur la responsabilité des individus. L’implication des personnes est un facteur majeur d’efficacité, qui suppose leur capacité à être actrices de leur santé à travers l’éducation pour la santé et la fourniture des équipements indispensables à son exercice. L’efficacité de cette stratégie de déconfinement reposera sur la mobilisation et l’empouvoirement de la population, qui ne seront acquis qu’à travers son adhésion.
- Nous questionnons la pertinence de faire porter l’essentiel de la stratégie de dépistage sur les soignants de premier recours (médecins et infirmier.e.s de ville), même accompagnés d’équipes de l’Assurance maladie. La sortie du confinement devrait largement les mobiliser autour de leurs missions essentielles, alors que des pans entiers de la population ont renoncé aux soins durant cette période, avec les risques afférents.
- Aussi, et alors que le Conseil scientifique estime que 30 000 personnes sont nécessaires, nous appelons à l’implication de la grande diversité des acteurs qui contribuent à la santé publique: agents des collectivités territoriales, santé scolaire et universitaire, santé au travail, protection maternelle et infantile, centres ou maisons de santé de tous ordres, associations de promotion de la santé, de prévention ou d’éducation pour la santé, associations de malades ou d’usagers du système de santé, services sociaux et médico-sociaux, acteurs de la lutte contre l’exclusion, épidémiologistes de terrain… Ces acteurs ont été absents du discours du Premier ministre, comme ils avaient été oubliés de la première mobilisation ; nous n’imaginons pas que ces actions pourront être efficacement mises en œuvre sans leur participation.
- Enfin, nous réaffirmons l’impérieuse nécessité d’un dispositif de concertation tel qu’un « Comité de liaison avec la société », qui rassemblerait des acteurs de la santé, sociaux et des libertés publiques. Le 30 avril, le Premier ministre rencontrera les partenaires sociaux : qu’en sera-t-il des acteurs du monde de la santé ?
Communiqué disponible au format pdf ici.
