Après l'AME, défendons le droit au séjour pour raisons de santé !
Après l'adoption du projet de loi sur l'immigration par le Sénat, qui avait vu la transformation de l'Aide médicale d'Etat en Aide médicale d'urgence, la discussion du texte en commission, à l'Assemblée nationale, a permis de revenir sur cette évolution néfaste pour la santé publique. Cette position, soutenue par le gouvernement, devrait être entérinée lors du vote en séance publique.
Le projet de loi contient cependant une disposition qui vise à restreindre la possibilité, pour les étrangers malades résidant habituellement en France et nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour eux des conséquences d'une exceptionnelle gravité, de bénéficier d'un titre de séjour temporaire pour raisons de santé.
Il est utile de rappeler que le nombre de titres de séjour pour soins est faible et a drastiquement diminué depuis 2016. Cela concernait moins de 4000 (<2%) nouveaux titres de séjour chaque année (source : ministère de l'Intérieur, janvier 2023). Ils bénéficient principalement à des personnes vivant avec le VIH/sida, une hépatite, une tuberculose maladie, une maladie psychiatrique sévère, un diabète insulinorequérant, un cancer ou encore une insuffisance rénale sévère.
La SFSP est signataire, aux côtés d'autres sociétés savantes et professionnelles du champ de la santé, d'une lettre aux députés qui leur demande de s'opposer à cette restriction lors de l'examen du texte qui se tiendra à partir du 11 décembre.
L’efficacité d’un traitement ne dépend pas seulement de la présence sur le marché d’un médicament. La disponibilité effective de médicaments, leur accessibilité, la régularité de leur distribution et leur soutenabilité constituent des facteurs essentiels pour garantir l’efficacité des traitements prescrits et aussi prévenir l’émergence d’infections multi-résistantes. Restreindre les conséquences d’une exceptionnelle gravité aux pathologies graves à court-terme va par ailleurs totalement à l’encontre de la prévention des complications des pathologies sévères en absence de surveillance. C’est le cas par exemple des complications à long terme du diabète ou de l’insuffisance cardiaque. Il en est de même en cas d’absence de suivi pour une pathologie psychiatrique sévère, pour une insuffisance rénale ou encore pour une infection par le VIH ou une tuberculose.
En tant que professionnel-le-s de santé publique, nous considérons que la redéfinition restrictive des conditions d’obtention d’un titre de séjour pour les étrangers gravement malades, résidant habituellement en France, constitue une régression, lourde de conséquences pour les patients, pour la santé publique et pour les finances de l’Etat.
Ethiquement contestables, les dispositions du texte contribueront surtout à dégrader l’accès aux soins des plus précaires, à accroître les risques d’exposition et de contamination de la population à des pathologies graves ou contagieuses, et, in fine, à augmenter les coûts de fonctionnement des hôpitaux. La nouvelle législation, si elle est adoptée, aura pour conséquence de rejeter dans l’irrégularité du séjour nombre de patients et par ricochet entrainer la perte de leur emploi, de leur logement et de leurs éventuelles prestations de compensation du handicap. Leur recours aux soins sera dès lors plus tardif et leur maintien dans le soin moins régulier. Ces patients présenteront donc des pathologies plus évoluées, nécessitant des traitements plus lourds et plus coûteux. En fait, le durcissement de la législation aurait surtout pour effet comptable de reporter sur l’Aide Médicale de l’Etat et sur les budgets des services hospitaliers, la prise en charge de ces personnes malades.
Pour ces trois raisons (éthique, sanitaire et financière), l’adoption de ces dispositions du projet de loi « contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » aura des conséquences néfastes. Nous demandons donc le rejet de ces articles, le retour sur les restrictions qui lui ont été ajoutée et de garantir la garantie d’un dispositif dont les effets sanitaires profitent à l’ensemble de la population, en France.
Une lettre ouverte aux députés est proposée à la signature d'individus sur ce lien.
Un argumentaire complet sur le sujet peut être retrouvé sur ce lien.