Tribune - Un Dry January, oui ! Mais surtout, une vraie politique de santé publique !
Parution Le Monde 03/01/2024
Un Dry January, oui ! Mais surtout, une vraie politique de santé publique !
En janvier prochain, se tiendra la 5ème édition du Dry January, opération de mobilisation sociale proposant de faire une pause d’alcool pendant un mois. Comme c’est le cas depuis le lancement de l’initiative, la Société Française de Santé Publique (SFSP) et ses adhérents soutiennent cette nouvelle édition, qui se tient à nouveau grâce à la mobilisation d’acteurs associatifs, dont plusieurs de nos membres, et sans aucun soutien public.
Ce « défi de janvier » permet d’offrir un répit à son corps, à son porte-monnaie, et de faire le point sur la place qu’occupe l’alcool dans son quotidien. Les bénéfices de cette pause sur la santé sont prouvés : perte de poids, meilleur sommeil, regain d’énergie, meilleure concentration et à terme, une consommation d’alcool mieux maîtrisée, même chez celles et ceux qui n’ont pas « réussi » complètement le défi. Rappelons que toute journée sans alcool est une réussite.
Le succès non démenti du Dry January, et son traitement médiatique positif, manifestent un changement du rapport entretenu collectivement à la consommation d’alcool. En 2024, ce sont plus de soixante associations, fédérations, sociétés savantes, groupements de patients, collectivités territoriales… qui s’engagent dans l’opération. Nous demandons un soutien affirmé des pouvoirs publics au Dry January !
Une importante question de santé publique
L’ensemble de la population est concerné par les conséquences négatives de la consommation d’alcool et non, comme cela est parfois perçu, les seules personnes dépendantes. Près d’un quart des 18 à 75 ans a une consommation qui dépasse les repères promus par Santé publique France depuis 2017. Ces « repères de consommation » sont les suivants : ne pas consommer plus de dix verres standard par semaine ; ne pas consommer plus de deux verres par jour ; ménager des jours sans consommation dans une semaine. En résumé, et pour une bonne compréhension du grand public : « Pour votre santé, l'alcool, c'est maximum deux verres par jour et pas tous les jours. »
L’usage d’alcool est un déterminant majeur de la santé, la France occupant le peu enviable 8ème rang des pays de l’OCDE en matière de consommation. Il contribue aux inégalités sociales de santé et est responsable de nombreux dommages sanitaires et sociaux, par exemple en matière d’actes de violence, et singulièrement de violences familiales. Chaque année, 49 000 décès sont attribuables à l’alcool, soit l’équivalent de villes comme Vincennes ou Albi. Chaque année, l’alcool coûte 120 milliards d’euros à la société.
Pour une politique publique cohérente et déterminée
Alors que vient d’être rendu public le Plan national de lutte contre le tabac (PNLT), la Société Française de Santé Publique demande la mise en œuvre d’une politique publique cohérente et déterminée sur l’alcool, à la hauteur des enjeux, et qui vise notamment à changer l’image de ce produit.
Elle doit favoriser des environnements protecteurs, par une réduction de l’omniprésence de l’alcool et de son accessibilité permanente (publicité envahissante, non-respect des interdits de vente notamment aux mineurs, vente promotionnelle…) afin de réduire la pression sociale qui pousse à la consommation. Créer un environnement favorable, c’est aussi mettre à disposition des personnes concernées les ressources nécessaires à leur santé globale, tant physique que psychique, l’attrait de l’alcool ne se limitant pas aux effets de la pression sociale et publicitaire, mais étant aussi dû à son effet sur nos stress, angoisses et autres états de mal-être. Proposer de l’activité physique pour la gestion du stress, un accompagnement de la famille vers une organisation du travail adaptée, des actions de prévention collective dans les différents milieux de vie, fondées sur les compétences psychosociales, menées auprès des jeunes et des moins jeunes… autant de combats pour les acteurs rassemblés au sein de la SFSP.
Une large série de mesures est de nature à modifier les pratiques de consommation, parmi lesquelles le renforcement des actions de prévention et de réduction des risques et des dommages à travers le soutien aux intervenants de terrain, la détermination d’un prix minimum par unité d’alcool, le développement en contexte de soin d’interventions d’accompagnement de la réduction ou de l’arrêt de la consommation, une information visible et transparente sur les bouteilles et cannettes (« l’alcool est dangereux pour la santé », quantité d'alcool, pictogramme visible et contrasté concernant les femmes enceintes), le respect de l'interdiction de vente d’alcool aux mineurs ou l’interdiction de la publicité autour des établissements scolaires.
Loin d’une politique prohibitionniste, ni souhaitable, ni efficace, réduire les risques et dommages liés à l’alcool passe par une politique de prévention globale, qui associe environnements protecteurs, promotion de l’information sur les repères de consommation et accompagnement bienveillant des personnes en difficulté du fait de leur consommation d’alcool avec des outils de réduction des risques. Il en va de notre capacité collective à agir efficacement pour la santé de la population.
Signataires
Il s’agit des 8 membres du Bureau de la Société Française de Santé Publique ainsi que de son Délégué général.
Dans l’ordre alphabétique :
- Pr Marion Albouy, Vice-Présidente (Société de santé publique de Poitou-Charentes)
- François Berdougo, Délégué général
- Jean-Pierre Couteron, Vice-Président (Fédération Addiction)
- Dr Pascale Echard-Bezault, Trésorière
- Dr Sylvain Gautier, Secrétaire général
- Pr Loïc Josseran, Vice-Président (CUESP)
- Cédric Kempf, membre du Bureau (FNES)
- Pr Emmanuel Rusch, membre du Bureau
- Pr Anne Vuillemin, Présidente
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