Réduction des risques liés aux drogues : les tristes confusions d’une Secrétaire d’État
Communiqué de presse - 29/02/2024
Réduction des risques liés aux drogues : les tristes confusions d’une Secrétaire d’État
Les propos tenus sur France Inter, le 26 février, par Sabrina Agresti-Roubache, Secrétaire d'État chargée de la Citoyenneté et de la Ville, sont inquiétants par la confusion dont ils témoignent à propos de trois champs d’action de l’action publique :
1. Parlant de prévention des addictions, elle centre son propos sur une critique de la réduction des risques, ignorant les actions de promotion de la santé, de développement des compétences psychosociales en lien avec les familles autant que le rôle des interdits protecteurs et de l’encadrement de l’offre. L’interdiction de la publicité pour l’alcool à proximité des écoles, le respect des interdictions de vente du tabac, de l’alcool ou des jeux d’argent aux mineurs, ou le soutien aux actions de prévention éducatives seraient plus pertinents que le dénigrement des actions de réduction des risques. Sans oublier l’action sur les déterminants environnementaux de la santé, qui doit être central dans les stratégies d’action, ainsi que le rappelle par exemple l’Institut National du cancer dans sa brochure « Promotion de la santé, prévention des cancers et aménagement des territoires ».
2. Parlant de réduction des risques, elle en caricature la réalité, en l’assimilant à un encouragement à l’usage, oubliant, ou même ignorant, son rôle protecteur pour les usagers autant que pour l’ensemble de la population dans la lutte contre la diffusion de virus et autres dommages. Cet impact sanitaire direct est largement documenté, depuis plus de 30 ans, de même que le bénéfice de la réduction des risques en matière d’accès aux soins de personnes qui en étaient encore éloignées, effet également largement documenté. Oui, distribuer des seringues et ouvrir l’accès à des traitements de substitution ont diminué le nombre de décès par overdose, la diffusion du VIH et des hépatites virales, mais aussi les actes de violences auprès des professionnel.le.s de santé ou d’autres dommages sanitaires et sociaux. Ce que nous devons collectivement faire, aujourd’hui, c’est moins de réduire l’accès à ces actions qu’en augmenter l’accessibilité aux usager.e.s pour lesquelles elles sont la première réponse possible. Nous déplorons ainsi le coup d’arrêt mis à l’ouverture d’une « Halte Soins Addictions » dans la ville de Marseille, dont la Secrétaire d’État est par ailleurs élue.
3. Parlant de la lutte contre le trafic, et de sa crainte de voir notre pays devenir un « narco-État », elle propose une « bifurcation », dont on ne sait trop dans quelle direction elle voudrait nous conduire, si ce n’est à nous éloigner de solutions de légalisation contrôlée, notamment du cannabis, qu’elle revendique de récuser, alors qu’elle ne concerne pas les Pays-Bas, pays qu’elle cite pourtant en exemple. Les effets et résultats évalués, différents selon les modalités spécifiques aux pays, États ou province qui les ont décidés, invitent à des décisions éclairées par autre chose que ce type de confusion sur l’origine de la crise hollandaise.
Les associations, réseaux ou fédérations que regroupe la SFSP rappellent à la Secrétaire d’État à la Citoyenneté et à la Ville, l’importance de prendre en compte, dans l’élaboration des réponses aux usages « problématiques » de drogues dans la population, des facteurs qu’elle n’a pas évoqués : les inégalités sociales de santé, qui pèsent chaque jour un peu plus sur ces questions ; la fragilisation toujours plus grande des acteurs réunis dans le combat pour la promotion de la santé.
En écho à l’intitulé du portefeuille de Sabrina Agresti-Roubache, nous rappelons aussi que la réduction des risques en matière de drogue a précisément fait de « la citoyenneté » l’enjeu central de la réponse aux besoins de santé des usager.e.s de drogues.
Traiter une question comme celle de la prévention des addictions à coup de simplification ne peut qu’aggraver les problèmes que l’on prétend résoudre. Nous sommes au service de la Ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, et du Ministre délégué à la Santé et à la Prévention pour en parler plus justement.