Accompagner les adolescents, accroître leur pouvoir d’action en santé

Parler de la santé des adolescents, c’est parler de la santé de la population toute entière. D’abord parce qu’ils sont l’avenir de notre société et ensuite parce que leur santé, depuis l’enfance, se construit selon le type d’accompagnement assuré par les adultes qui les entourent et par les politiques publiques les concernant.

À l’approche de la santé centrée sur les maladies, leur prévention et leur prise en charge, la lutte contre des morts évitables et des problèmes, préférons une approche positive et globale de la santé, centrée sur la construction et le développement de la santé comme ressource tout au long de la vie. Cette vision part des besoins des adolescents pour aller vers un objectif de bien-être et prend en compte l’environnement : faire du milieu familial, de l’école et de tout ce qui est extérieur à la maison, des milieux de vie favorables à leur santé physique et mentale.

Adolescence : la mue et l’émoi

Découverte et affirmation d’un soi différent aussi bien physiquement que psychiquement et socialement, l’adolescence est une transformation. L’adolescent-e va occuper des lieux, vivre le temps différemment que dans l’enfance, élargir ses relations, ouvrir son esprit à des idées nouvelles, s’émouvoir et se passionner.

La quête de son identité, de son acceptation dans le groupe de pairs, de son utilité sociale nécessitent l’accompagnement par des adultes attentifs mais pas trop, des tuteurs de croissance aux liens solides mais souples, des adultes « cadrants empathiques » capables de l’aider à franchir les étapes et de reconnaître sa maturation, de développer son esprit critique, de lui donner confiance en l’avenir, de croire en lui ou en elle, et de ne pas craindre cette transformation.

Aujourd’hui être parent d’adolescent-e, ce n’est pas avoir des problèmes à résoudre ou à prévenir, ce n’est pas revivre son adolescence par procuration, c’est aider son ou sa jeune à se construire, accompagner ce formidable moment et permettre l’éloignement parce qu’il est nécessaire.

L’adolescence est aussi une période intense d’émoi du corps, des sens, des sentiments. Les adultes de référence dans l’enfance, parents ou professionnels, doivent permettre un développement optimal, sans traumatisme majeur comme les maltraitances. D’ailleurs, ce que les adolescent-e-s voient et comprennent des relations a sûrement plus d’impact que les discours qu’on leur tient, ce qui rend essentielle l’éducation à la sexualité, au respect dans les relations, sans discrimination ni domination.

Aujourd’hui, être adolescent-e c’est comme depuis toujours vivre une période d’ajustement des distances physiques et psychiques, d’identification de ses forces et vulnérabilités, d’affirmation de ses goûts et de ses choix, de prise de conscience de l’importance des autres, mais c’est aussi faire tout cela dans un monde qui change rapidement, avec de forts enjeux concernant l’avenir de la planète, la justice, l’équité, la répartition du travail, des richesses, de la santé et de l’éducation. Ces transformations peuvent comporter des moments de fragilité comme de grande force et de créativité. Etre adolescent-e aujourd’hui c’est pouvoir s’approprier ces questions avec le soutien de ses pairs et d’adultes constructifs et confiants, savoir trouver de l’aide quand un passage est difficile, vivre sa vie en lien avec les autres, être bien.

Pour promouvoir la santé des adolescents, peut-être devons-nous surtout leur permettre d’avoir du pouvoir sur leur vie donc sur leur santé, de s’impliquer, de choisir leur vie. Pour qu’ils puissent développer cet empowerment au quotidien, cela signifie les penser capables de le faire et leur en donner les moyens individuellement et collectivement.

Brigitte Moltrecht, Médecin conseillère technique, Direction générale de l'enseignement scolaire ; membre de la Société Française de santé publique

Dernière mise à jour le 23 octobre 2018