Dispositif de vigilance dans le champ "Pratique professionnelle, santé publique et droits humains"
Au cours des dernières années, le discours public est imprégné de façon croissante par des approches mettant en cause la pertinence de l'accès universel aux soins et à la santé, quand elles ne sont pas explicitement discriminatoires à l'égard de certaines pratiques (IVG) ou populations (migrants et étrangers, Roms, personnes détenues,usager.e.s de drogues, travailleur.se.s du sexe). Ces positions touchent directement aux droits fondamentaux des individus. Elles sont explicitement contraires aux objectifs de santé publique.
La constitution de l'Organisation Mondiale de la Santé dispose que « la réalisation du droit à la santé est étroitement liée à la réalisation des autres droits de l’homme, notamment le droit à l’alimentation, au logement, au travail, à l’éducation, à la non-discrimination, à l’accès à l’information et à la participation». Elle énonce que « ce droit à la santé suppose aussi des libertés, celle de contrôler sa propre santé et son propre corps ainsi que celle de maintenir son intégrité ». Ainsi que l'énonce la Société française de santé publique, il ne peut exister de société humaine sans solidarité entre ses membres.
Dans ce contexte, les programmes et actions de santé publique peuvent se trouver menacés, tout comme celles et ceux chargé.e.s de les proposer, de les concevoir, de les mettre en œuvre, dans la variété de leurs professions et cadres d'exercice.
Il apparaît donc nécessaire, dans l’intérêt des personnes et des groupes les plus précarisés, qui sont ou seraient les premières victimes de ces discours ou pratiques, de réfléchir aux moyens de préserver, protéger, promouvoir les programmes et actions de santé publique et d’assurer l’indépendance professionnelle, la capacité d’agir, voire la sécurité personnelle, des professionnels impliqués.
Lancement d'un dispositif de vigilance dans le champ « Pratique professionnelle, santé publique et droits humains »
La Société française de santé publique lance un dispositif ayant pour premier objectif de repérer et recenser les menaces et atteintes à des programmes ou actions de santé publique. Il s'agit d'une première phase de collecte de signalements, destinée à mieux identifier la diversité des situations de violation des droits des personnes susceptibles de se présenter. Cette première collecte s’adresse en priorité aux professionnel.le.s de santé publique, directement ou à travers leurs organisations.
Pour ce faire, la SFSP met en place un formulaire de recueil de ces situations.
Si vous êtes un.e professionnel.le agissant dans le champ de la santé publique et que vous êtes confronté.e à une situation qui met en péril l'accès à la santé, aux droits ou aux soins d'une personne dans le cadre d'une action/programme de santé publique, ce nouveau dispositif vous concerne !
Quelles informations souhaitons-nous collecter ?
- Nature de la mesure portant atteinte aux valeurs cardinales de santé publique, en précisant s’il s’agit d’une décision déjà intervenue ou d’un projet
Par exemple : interdiction de recevoir/fournir des services à des enfants d’étrangers en situation irrégulière, obligation de réaliser un test non imposé par les textes en vigueur…
- En quoi la mesure en cause est-elle considérée comme inadmissible par un ou des professionnel(s) de santé publique ?
Par exemple : rupture d’égalité de traitement, discrimination, non respect de la dignité des personnes, absence de consentement éclairé, violation du secret médical ou professionnel…
- Organisation, institution concernée (et si possible, taille de celle-ci, caractéristiques significatives)
Par exemple : Conseil départemental, ARS, commune, association, organisme d'assurance maladie, société prestataire de service, agence sanitaire, service d’administration centrale…
- Fonction de l’autorité ayant formulé la consigne (ou le projet de consigne) en cause
Par exemple : Maire, adjoint, Président ou Vice-Président de Conseil départemental, directeur général ou directeur de (préciser)…
- Profession, fonction du ou des professionnel(s) de santé publique ayant à appliquer la décision en cause
Par exemple : puéricultrice, assistant.e de service social, médecin, ingénieur / Chef de service, vacataire, conseiller technique…
- Service dans lequel travaille(nt) le(s) professionnnel(s) concerné(s)
Par exemple : Conseil départemental, ARS, PMI, Santé scolaire, service communal d’hygiène et de santé, service ou établissement d'une association…
- Démarches effectuées, initiatives déjà prises pour tenter d’empêcher l’adoption de la mesure en cause ou obtenir son annulation
Par exemple : courrier à l’autorité décisionnaire, entrevue, démarche auprès de l’autorité supérieure, intervention d’organisation professionnelle, lettre ouverte…
- Suggestion d’initiatives qui pourrait être prise à l'avenir
Par exemple : courrier, demande d’entretien, lettre ouverte, communiqué de presse, démarche juridique…
PRECISIONS IMPORTANTES
- Seuls les membres du groupe de travail ad hoc de la SFSP auront connaissance des situations décrites, dans le seul but d’affiner la réflexion et le projet. A ce stade, nous ne donnerons aucune suite directe aux situations portées à notre connaissance.
- La confidentialité et l’anonymat sont garantis.
- Cependant, pour permettre d'éventuels échanges et la pleine compréhension des situations décrites, il est nécessaire que la personne effectuant le signalement (qui n’est pas nécessairement celle ayant reçu l’ordre contesté) fournisse un moyen de contact.
Et après ?
En initiant cette démarche, la SFSP n’entend évidemment pas relever seule le défi des atteintes aux droits humains dans la mise en œuvre des politiques et programmes de santé publique. Il s’agit, au contraire, d'ouvrir largement une réflexion sur ces questions, dans le cadre d'alliances et de partenariats avec les acteurs déjà engagés.
Ce premier recueil de situations permettra au groupe de travail mobilisé sur le sujet de disposer de premiers éléments d'état des lieux, qui lui permettront de définir les étapes à venir, en lien avec les instances politiques de la SFSP.