Santé et environnement : une multitude de problèmes

La santé environnementale est un champ de la santé publique qui concerne les risques pour la santé humaine liés aux facteurs d’environnement (les milieux de vie) qu’ils soient d’origine naturelle ou anthropique et dans ses aspects positifs ou négatifs.

De tout temps, deux écoles ont cherché à expliquer les causes des maux et des souffrances. Pour les uns, les maladies provenaient des dérèglements à l’intérieur du corps humain. C’était le déséquilibre des « humeurs » qui nous rendait malades. Pour les autres, la mauvaise santé résultait d’agressions externes, de facteurs exogènes qui provoquaient des réactions pathologiques, qu’il s’agisse d’infections, d’inflammations ou de tumeurs. Il a fallu un siècle de recherches pour comprendre la part de vrai que recélait chacune des théories et pour qu’émerge cette notion fondamentale qu’est la plurifactorialité des maladies.

Historiquement, l’amélioration de la qualité des milieux de vie a constitué avec la lutte contre les épidémies l’un des plus puissants moteurs de la santé publique. Au 19ᵉ siècle, c’est surtout l’hygiène de l’eau qui déclenche l’accroissement de l’espérance de vie avant que la médecine devienne efficace. Parmi les facteurs d’environnement, on distingue : les agents chimiques, physiques (bruit, rayonnements, vibrations...) et biologiques (bactéries, virus, parasites, prion). Ils sont présents dans les différents milieux de vie : environnement général, domestique, urbain, professionnel... Ils entrent en contact avec l’Homme par des « médias » : air, eau, sol, déchets, aliments, fluides biologiques soit dans des conditions habituelles, soit dans un contexte de catastrophes environnementales naturelles (tremblements de terre, tsunamis, températures extrêmes) ou d’origine humaine (Seveso, Tchernobyl, Bhopal...).

Une autre dimension est importante : les facteurs sociaux. L’organisation sociale, le statut social ou encore les niveaux de revenu et d’éducation sont également des facteurs influençant la santé. Les facteurs sociaux structurent les inégalités de risques liés aux caractéristiques de l’environnement.

De nombreuses disciplines permettent d’étudier la relation entre l’environnement et la santé : épidémiologie (science d’observation) et toxicologie (science d’expérimentation) au premier chef, mais aussi : psychologie, sociologie, économie, sciences de la matière et écologie. De nombreuses lois, règlements et normes s’appliquent sur les facteurs d’environnement : air, eau, qualité des produits de consommation, travail, déchets, pollutions industrielles, déchets... La santé environnementale est ainsi placée au carrefour d’un ensemble de politiques : solidarité sociale, environnement, travail, énergie, logement, transports, développement industriel et agricole, consommation et répression des fraudes, etc. Le Plan national santé environnement vise à articuler l’action dans les différents compartiments de l’environnement. Quasiment tous les ministères sont concernés. Si le ministère de la Santé a une pleine autorité sur l’eau d’alimentation, dans tous les autres secteurs de l’environnement, il est co-décideur.

Trois problématiques différentes se juxtaposent aujourd’hui. Les problèmes « classiques » sont les grandes pollutions qui préoccupèrent les hygiénistes au 19ᵉ siècle : eau, air, habitat, alimentation. Ces problèmes restent prévalents dans les pays du Sud. Liés à de fortes expositions à des agents uniques, ils entraînent des maladies le plus souvent aiguës et faciles à diagnostiquer. Ils sont associés à un bas niveau socioéconomique. Les problèmes « actuels » se manifestent surtout par des maladies chroniques liées à des expositions prolongées à de faibles doses de contaminants toxiques, principalement des agents chimiques. Dans les sociétés industrielles, les expositions actuelles correspondent en général à de faibles doses itératives créant des risques individuels faibles donc difficiles à repérer. Mais lorsque des millions de personnes sont exposées, le risque attribuable peut être important. Enfin, les problèmes « émergents » correspondent à des risques nouveaux liés à la mondialisation de l’économie, à l’urbanisation et à l’industrialisation des nouvelles technologies qui se répandent à grande vitesse dans différents secteurs.

Au-delà des expositions locales, il existe d’énormes enjeux au niveau planétaire : changement climatique, diminution de la couche d’ozone, contaminations de nombreuses espèces vivantes par des polluants organiques persistants, OGM, perte de la biodiversité, ou encore raréfaction de la ressource en eau. Le risque n’est plus seulement une affaire locale. Ainsi, le paysage des risques est caractérisé par son incontrôlabilité au niveau individuel (on ne sait pas si on est exposé ou non) et par l’effacement d’une triple frontière : spatiale (aucune barrière géographique, administrative ou politique ne peut s’opposer à la diffusion des risques) ; temporelle (la longue latence entre l’exposition et les conséquences) ; sociale (la complexité des sources de risques brouille leur traçabilité et se prête à de gigantesques batailles juridiques sur les questions de responsabilité). C’est dans cette situation de vulnérabilité qui érode la confiance sociale que se développe le principe de précaution, un des grands débats de la santé publique au XXIe siècle.

William Dab, Professeur titulaire de la chaire d'Hygiène et Sécurité, Laboratoire Modélisation, épidémiologie et surveillance des risques sanitaires

Dernière mise à jour le 5 décembre 2018