VIH/Sida : En route vers l’échéance 2020

Les années 2015-2016 ont marqué un tournant (un de plus ! diront certains) dans l’histoire de l’épidémie de VIH/Sida et dans la lutte mondiale pour en finir avec ce fléau. Trente-cinq ans après les premiers diagnostics de Sida maladie établis quasi simultanément sur plusieurs continents, des armes biomédicales performantes sont devenues définitivement disponibles et recommandées pour prévenir et traiter. Dépister et traiter dès que possible toute personne vivant avec le VIH (PVVIH) et proposer la prophylaxie pré-exposition (PreP) à toute personne à risque sont devenus deux éléments clé d’une stratégie de prévention diversifiée désormais clairement promue par l’Organisation mondiale de la Santé. L’objectif d’ici 2020 est de dépister 90% des personnes vivant avec le VIH, d’en traiter 90% par un traitement antirétroviral adapté et d’obtenir pour 90% de ces personnes traitées un succès virologique, mais aussi de garantir qu’il n’y aura plus aucune discrimination quelle que soit la région du monde. L’introduction de la PreP dans la prévention diversifiée est trop récente pour que des cibles aient pu être fixées. La circoncision masculine médicalisée et volontaire gagne l’adhésion d’un nombre croissant d’hommes dans les pays d’Afrique Australe et de l’Est les plus affectés. Enfin, la réduction des risques et les stratégies de sécurisation des produits sanguins font partie depuis longtemps de la routine de la prévention du VIH dans le monde entier.

La stratégie 90 x 90 x 90 = 72% donne une cible numérique claire, ambitieuse, mais probablement atteignable dans beaucoup de pays. Les PVVIH sous traitement antirétroviral peuvent désormais atteindre une espérance de vie très proche de celle d’une population comparable ; et les antirétroviraux réduisent à presque rien (< 1%) le risque de transmission sexuelle et de transmission mère-enfant.

La réduction mondiale de l’acquisition des nouvelles infections de 40% depuis 1997 est un succès, probablement inégalé dans l’histoire de la santé humaine. Mais les indicateurs les plus récents doivent nous interpeller. La décroissance des nouvelles infections stagne dans plusieurs pays africains fortement affectés ; en Europe de l’Est, l’épidémie flambe encore (la hausse de l’acquisition des nouvelles infections se confirme d’année en année), toujours, avivée par l’incapacité politique à se saisir du problème.

Et en France ? La cascade de prise en charge est désormais proche des objectifs 90 x 90 x 90 = 72% puisqu’on estimait cette couverture à 68% en 2013. En 18 mois (janvier 2016 – juillet 2017), plus de 5 000 personnes séronégatives à haut risque ont initié une PreP. Bien sûr l’épidémie est largement contrôlée mais accepter presque 7 000 nouvelles contaminations par an serait une erreur d’appréciation. Cette incidence est en effet désespérément stable depuis de nombreuses années, et les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes sont de loin le groupe populationnel le plus touché, comme pour beaucoup d’autres infections sexuellement transmises telles que la syphilis et les hépatites virales. On doit enfin ajouter à cela les quelques 25 000 personnes vivant avec le VIH qui ne connaissent pas leur statut ; ceux qui seront dépistés souffrent toujours actuellement de délais importants par rapport à leur contamination, induisant des pertes de chance individuelle et des risques de transmission à autrui.

La France s’est dotée en 2017 d’une stratégie nationale de santé sexuelle avec une feuille de route 2018-2020. Elle propose des cibles numériques pour l’incidence, le dépistage, la mise en route et le suivi des traitements ; elle devrait surtout recréer la cohérence nécessaire pour contrôler vraiment, notre épidémie d’infection à VIH dans les quelques années à venir. Comme indiqué dès le début de ce texte, de multiples outils complémentaires sont désormais utilisables, en commençant par le préservatif mais toujours aujourd’hui en l’absence d’un vaccin. Reste à les appliquer au bon moment et pour tous ceux et celles qui en ont besoin en métropole comme dans les outre-mer.

François Dabis, Membre de la Société Française de Santé Publique, Professeur d’Epidémiologie et Santé Publique, Ecole de Santé Publique (ISPED), INSERM 1219, Université de Bordeaux et Directeur de l’ANRS

Dernière mise à jour le 29 novembre 2018