La conduite de la réponse à la pandémie Covid en France a suscité de nombreuses réflexions et prises de positions, tant dans les champs politique qu’universitaire ou professionnel. Deux universitaires bordelais, Barbara Stiegler[1] et François Alla[2] ont publié, en mars 2022, Santé publique année zéro (collection Tracts, Gallimard), opuscule offrant une lecture critique des deux premières années de la « gestion » de la pandémie en France, à partir de cette question : « Allons-nous enfin, dans un cadre républicain, affronter ensemble le bilan scientifique, éthique et politique de deux ans de crise sanitaire ? » Dans ce texte, Barbara Stiegler et François Alla interrogent la conduite de la réponse à la pandémie au prisme des valeurs affirmées par la Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé. Ils dénoncent une « suspension de la vie démocratie au nom du risque pandémique », qu’ils qualifient d’erreur politique, et appellent à redonner toute leur centralité aux déterminants sociaux et environnementaux de la santé publique, qui doivent inspirer et orienter les politiques.
La semaine dernière, Daniel Benamouzig[3], François Bourdillon[4], Mélanie Heard[5], Florence Jusot[6] et Frédéric Sawicki[7] publiaient dans la revue en ligne AOC, « La santé publique a-t-elle besoin de telles sciences sociales ? », article critique du propos de Barbara Stiegler et François Alla. Les auteurs y font notamment valoir que, dans le contexte d’incertitude et en l’absence d’outils de traitement, la santé publique « a assumé les fonctions qui sont les siennes avec les moyens dont elle dispose ». Selon eux, « pendant l’épidémie, les pouvoirs [exécutif mais aussi législatif et institutionnels au sens large] ont continué de s’exercer, même en situation d’urgence ». Ils engagent également le débat sur la façon dont les stratégies mises en œuvre ont ou auraient pu et dû répondre mieux à la question criante des inégalités sociales et territoriales face à la circulation du virus et son impact différencié sur les groupes de population. Mélanie Heard a également publié un autre article dans la revue AOC, intitulé « Le Sars-Cov-2 n’est pas le VIH ».
Depuis, nous avons reçu deux tribunes qui prolongent ces débats, que nous publions dans notre rubrique « Points de vue », dont l’objet est précisément d’accueillir des contributions au débat public sur des sujets d’actualité ou de fond :
Nous n’avons pas fini de tirer les leçons de la pandémie que nous continuons de traverser. Sur tous les plans, un important travail reste à conduire pour mesurer et comprendre ce qu’ont été nos échecs autant que nos réussites dans la réponse que nous avons tenté d’y apporter dans les deux dernières années. Le débat public et l’échange d’idées sont essentiels à cette compréhension affinée, qui vise l’amélioration de nos capacités collectives. C’est aussi la vocation de la SFSP que d’offrir une place à de tels échanges.
Nous continuerons à publier les textes qui nous seront adressés dans cette perspective. N’hésitez pas à prendre contact avec nous !
[1] Philosophe et Professeure à l’Université Bordeaux Montaigne, elle est également Vice-présidente du Comité d’éthique du CHU de Bordeaux et membre du Conseil de surveillance de l’Agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle Aquitaine.
[2] Professeur de santé publique à l’Université de Bordeaux et Directeur adjoint de l’ISPED, il est Président de la Conférence régionale de santé et de l’autonomie de Nouvelle Aquitaine. François Alla a également été membre du Conseil d’Administration de la SFSP et Rédacteur en chef de la revue Santé Publique.
[3] Sociologue, directeur de recherche au CNRS, titulaire de la Chaire Santé de Sciences Po, Président du Conseil scientifique de l'EHESP et membre du Conseil scientifique COVID.
[4] Médecin de santé publique et ancien Directeur général de Santé publique France. François Bourdillon a également été Président de la SFSP.
[5] Docteur en science politique et Responsable du pôle Santé de Terra Nova.
[6] Economiste et Professeure à l’Université Paris-Dauphine.
[7] Politiste et Professeur à l’Université Paris-Panthéon-Sorbonne.
